Plus de 1000 milliardsA qui profite vraiment le trésor de notre 2e pilier?
L'ancien Monsieur Prix, Rudolf Strahm, dénonce l'usage commercial de cet argent alors que les rentes baissent.
- par
- Eric Felley
En 2022, les quelque 1350 caisses de pension du pays avaient sous gestion 1066 milliards de francs épargnés dans la prévoyance professionnelle (2e pilier). Cette colossale fortune sert évidemment à payer les rentes, mais elle fait aussi l'objet d'une utilisation commerciale au sein du système financier helvétique.
L'ancien Monsieur Prix, Rudolf Stahm, spécialiste de la prévoyance professionnelle, estime l'utilisation de cet argent doit faire l'objet d'une plus grande transparence. Dans un article publié dans «20 Minuten», il constate: «Le fonds de pension était censé être un système à but non lucratif, il n'était pas censé générer des bénéfices, mais une énorme activité commerciale a vu le jour».
Le 2e pilier en chute
Depuis une vingtaine d'année, le 2e pilier a connu une érosion manifeste des rentes. En 2002, une personne de 55 ans, avec un revenu annuel de 120 000 francs, pouvait espérer avoir une rente annuelle (AVS et 2e pilier) de 74 920 francs. Cette perspective n'était plus que de 59 200 en 2023, soit 15 720 francs de moins, ou 1310 francs par mois.
De l'argent qui va aux banques
Durant cette période, Rudolf Strahm a constaté que les frais administratifs des caisses ont plus que doublé, passant les dix dernières années de trois à sept milliards de francs: «D’une part, bien sûr, le capital a augmenté et s’élève à plus de mille milliards, concède-t-il, ce qui entraîne également des dépenses de gestion d’actifs plus élevées. Mais les banques, les gestionnaires d’actifs et les fonds. Cet argent s’infiltre ensuite dans les portefeuilles des banquiers et des gestionnaires de fonds».
Il est rejoint dans ses observations par le porte-parole de l'USS, Urban Hodel: «Une part trop importante de l'argent des assurés est perdue dans le secteur financier, et ce, chaque année davantage. Dans le même temps, les retraites baissent et les fonds de pension se portent bien. Et personne ne s’indigne du fait que des milliards finissent à la Paradeplatz plutôt que dans la population».
Rudolf Strahm ne demande pas de plafonner ces frais, mais il réclame une transparence comme dans les caisses d’assurance maladie, qui doivent justifier leurs primes. Chaque fonds devait montrer de manière transparente quels sont les coûts en matière d'administration et de gestion de fortune.
Nouvelles réalités des caisses
Le directeur de l'Association suisse des institutions de prévoyance, Lukas Müller-Brunner, admet que d'un point de vue statistique les rentes ont baissé ces dernières années: «D’une part, explique-t-il, les caisses de pension s’ouvrent de plus en plus à de nouveaux groupes d’emploi avec moins de capital d’épargne et, par conséquent, des pensions plus faibles, comme les salariés à temps partiel ou ceux avec plusieurs emplois. D'autre part, ces dernières années, de plus en plus de personnes ont opté pour leur capital d'épargne accumulé au lieu d'une pension au moment de leur retraite».
Selon lui, l'augmentation des coûts administratifs est due à de nouvelles charges, telles que les règles de protection des données ou les exigences de contrôle. Le directeur de l'ASIP rappelle aussi les risques du métier: « En matière de gestion d'actifs, il est erroné de se concentrer uniquement sur les coûts. Vous pouvez ainsi économiser de l'argent, mais vous manquez également la possibilité d'obtenir des rendements plus élevés sur les marchés des capitaux».