Le lobby du nucléaire a relancé sa machine de guerre

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CommentaireLe lobby du nucléaire a relancé sa machine de guerre

Le dépôt vendredi d'une initiative pour le nucléaire en Suisse nous renvoie dix ans en arrière.

Eric Felley
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Eric Felley
Leibstadt est la dernière centrale nucléaire construite en Suisse et entrée en fonction en 1984. Normalement elle devrait fonctionner jusqu'en 2034.

Leibstadt est la dernière centrale nucléaire construite en Suisse et entrée en fonction en 1984. Normalement elle devrait fonctionner jusqu'en 2034.

Alpiq

En mai 2017, le peuple suisse a accepté la Stratégie énergétique 2050, qui prévoit l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires par 58,2% des voix. Pour le lobby du nucléaire, ce fut un choc. Jusqu'ici, il avait le vent en poupe à Berne et devant le peuple. Mais l'accident de Fukushima en 2011 a frappé les esprits. Le Conseil fédéral, Doris Leuthard en particulier, et le Parlement ont changé de cap. L'abandon du nucléaire a été scellé par une alliance entre le PDC (le Centre) et la gauche. 

Avant 2017, le lobby du nucléaire avait remporté quasi tous ses combats, sauf celui contre l'initiative pour un moratoire de 10 ans sur les constructions en 1990. En 2017, ce lobby avait donc perdu une bataille qui semblait être décisive. Mais, comme souvent en Suisse, tout peut être remis sur la table. Faire et défaire, c'est toujours travailler.

Pénurie et climat

Vendredi, un comité bourgeois a déposé à la Chancellerie fédérale une initiative populaire qui veut autoriser à nouveau la construction de nouvelles installations nucléaires. Dans leurs arguments figurent les risques de pénurie, la sécurité de l'approvisionnement indigène en hiver et même la cause climatique récupérée par des élus UDC.

Aussitôt déposée, cette initiative s'est prise une volée de bois vert du côté par les milieux écologistes, le PS et les Verts. Ces derniers déposeront jeudi prochain leur initiative populaire pour un fond climat afin de développer les énergies renouvelables. Évidemment sans nucléaire.

Rösti bienveillant

Comme l'initiative des pronucléaires a été déposée, le peuple va très certainement devoir voter dans trois ou quatre ans. D'ici là, son lobby va redéployer toute son énergie pour convaincre le peuple de changer d'avis dix ans après. Il pourra compter sur le conseiller fédéral Albert Rösti, qui a toujours dit ne vouloir fermer la porte à aucune énergie.

Et le Parlement ? En décembre dernier, le Conseil national a refusé une proposition du PLR, par 101 voix contre 90, d'inclure la construction de nouvelles centrales nucléaires dans la révision de la loi sur l’énergie. C'était un test. Les élus de l'UDC et du PLR n'ont pas réussi à convaincre suffisamment ceux du Centre de les suivre. Mais de peu.

Un éternel recommencement

Ce n'est que partie remise pour tenter d'inverser ce vote. Ce qui caractérise le dossier du nucléaire à Berne, c'est la puissance de son lobby et ses moyens financiers. Tout ce qui touche au nucléaire se transforme en or pour les consultants et les élus qui gravitent dans les sphères atomiques. Ce lobbyisme est presque une fin en soi. Il faut se préparer à revivre cet état de siège du Parlement, comme il y a dix ans lors du développement de la Stratégie énergétique 2050. Sur certains sujets, la politique suisse est un éternel recommencement.

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