Mort de NavalnyLa Russie silencieuse et sourde aux critiques occidentales
Moscou était muré dans le silence samedi sur la mort en prison de l'opposant numéro un au Kremlin, s’exprimant en revanche pour rejeter les accusations de l’Occident.
Vingt-quatre heures après l'annonce lapidaire des autorités carcérales russes, aucun détail n’a filtré sur la mort d'Alexeï Navalny. Les pays occidentaux ont dénoncé d’une même voix la «responsabilité» du régime russe. Le président américain Joe Biden, «scandalisé», a accusé son homologue russe d’être «responsable de la mort» d’Alexeï Navalny, tandis que le gouvernement britannique a fait savoir aux diplomates de l’ambassade de Russie que Moscou serait tenu «pleinement responsable» du décès. La mort d’Alexeï Navalny dit «la faiblesse du Kremlin et la peur de tout opposant», a estimé le président français Emmanuel Macron.
Autant d’accusations que le Kremlin a jugées vendredi «absolument inacceptables». Mais Vladimir Poutine reste lui silencieux, bien qu’il a été informé. «Il n’y a pas encore eu d’examen médico-légal mais l’Occident a déjà tiré des conclusions», a dénoncé la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, d’après l’agence de presse officielle russe TASS.
Manifestations et arrestations
La femme d’Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, avait, elle, appelé vendredi la communauté internationale à reconnaître que le chef de l’État russe est «personnellement responsable» de la mort de son mari. Il n’est pas possible de savoir quand sa dépouille sera remise à sa famille, ni quand et où pourrait avoir lieu son enterrement. Selon le journal indépendant «Novaïa Gazeta», interdit en Russie, la mère du défunt et un avocat seraient en route pour la colonie pénitentiaire IK-3, dans la région arctique de Iamal, où Navalny est mort.
Si les autorités russes sont silencieuses et que les médias d’État n’évoquent qu’à peine son décès, elles ont mis en garde la population contre toute manifestation. Malgré des arrestations, comme vendredi soir, des Russes défilaient samedi en petit nombre dans plusieurs villes pour déposer des fleurs notamment sur des monuments à la mémoire des dissidents victimes des répressions politiques à l’époque soviétique. Au total, «plus de 110 personnes» ont été interpellées et placées en détention lors de ces rassemblements, a annoncé samedi l’ONG spécialisée OVD-Info.
«En bonne santé et d’humeur joyeuse»
Les agences d’État russes n’ont pas couvert ces rassemblements, se contentant de rapporter certaines des réactions officielles à la mort d’Alexeï Navalny. De l’Europe aux États-Unis, des centaines de personnes se sont également rassemblées vendredi soir pour rendre hommage à l’opposant politique.
Alexeï Navalny purgeait une peine de 19 ans d’emprisonnement pour «extrémisme» dans une colonie pénitentiaire reculée de l’Arctique, dans des conditions très difficiles. Les procès qui lui avaient été intentés avaient été largement dénoncés comme étant une manière de le punir pour son opposition à Vladimir Poutine. Jeudi, l’opposant avait participé par vidéo à deux audiences devant un tribunal de la région de Vladimir et ne s’était pas plaint de sa santé, d’après l’agence de presse d’Etat Ria Novosti.
Sa mère, Lioudmila Navalnaïa, a déclaré avoir vu son fils lundi «en bonne santé et d’humeur joyeuse», dans un message sur Facebook cité par le journal indépendant «Novaïa Gazeta». Sa disparition prive de sa figure de proue une opposition exsangue après des années de répression.