Joann Sfar a confié son destin au dessin

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Bande dessinéeJoann Sfar a confié son destin au dessin

Dans «Les Idolâtres», l'auteur du «Chat du rabbin» explique comment il a tenté de combler l'absence de sa mère.

Michel Pralong
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Michel Pralong

Joann Sfar doit être l'auteur BD le plus prolifique au monde. On vous avoue ne pas avoir compté, mais regardez sa bibliographie, elle est hallucinante. Il enchaîne les livres, que ce soit sa série «Le chat du rabbin» ou d'autres, plus autobiographiques, comme «La synagogue». Et il n'y a pas grand-chose à jeter dans tout cela, même si certains titres nous plaisent moins, comme ceux où il part dans un délire total avec Mathieu Sapin («Le ministère secret»).

Mais quand il touche à ses racines, existentielles et judaïques, il est d'une rare subtilité. Son dernier titre, «Les Idolâtres», est sans doute le plus bouleversant. Rien que la couverture, qui invoque volontairement une madone à l'enfant et où ce bébé, qui n'est autre que lui-même, remplace le chat dans une couverture très proche du «Chat du rabbin», confine déjà au sacré.

Et de sacré, il en sera question tout au long de cet album: Sfar raconte qu'il n'a aucun souvenir de sa mère, disparue alors qu'il était tout petit enfant. Une femme qui avait l'air d'une beauté étourdissante, mais dont justement, il n'arrive pas à se fixer une image dans la tête.

Face à une psychanalyste se pose la question de savoir si cette boulimie de dessin n'est pas une manière pour Sfar de compenser cette absence. Mais dessiner, n'est-ce pas idolâtrer, aimer une représentation? Quand il réalise le film «Gainsbourg (vie héroique)», ne mélange-t-il pas un personnage de dessin avec un acteur pour ne pas tomber dans l'idolâtrie? Ou au contraire pour l'dolâtrer?.

Ces va-et-vient sur des épisodes de sa vie, avec la question du dessin omniprésente, éclairent l'homme et son œuvre d'une lumière nouvelle.  L'anecdote qu'il raconte sur les tombes juives qui interdisent les photos pour ne pas figer les morts à une seule époque, une seule image, résonne dans tout ce livre. Ce qui est sûr, c'est que les BD de Sfar sont parmi les plus vivantes au monde.

«Les Idolâtres», de Joann Sfar, Éd. Dargaud, 208 pages.

«Les Idolâtres», de Joann Sfar, Éd. Dargaud, 208 pages.

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