Jeu vidéo«Skull and Bones», la piraterie, oui mais plutôt en bande
Après des années de développement chaotique, la nouvelle franchise d'Ubisoft est enfin lancée, sous haute surveillance.
- par
- Jean-Charles Canet
Autant le dire tout de suite, notre opinion n'est pas faite sur «Skull and Bones», le jeu de pirates imaginé et conçu par divers studios d'Ubisoft. Après des années de développement compliqué, le jeu nous arrive (officiellement le 16 février 2024) sous la forme d'une aventure solo mais surtout à plusieurs en coopération (jusqu'à 3 «amis») et, parfois, en affrontement «joueur contre joueur» (PVP).
L'action se passe dans l'océan Indien. Tout commence par un naufrage, le nôtre, dans une séquence d'action maritime qui ne nous laisse aucune chance de victoire. Le capitaine déchu qu'on est devenu se fait secourir par l'équipage d'un petit esquif. L'objectif est de réunir divers objets disséminés dans le secteur de la bataille navale perdue pour pouvoir rejoindre Sainte-Anne, une base ou les pirates se réunissent et tentent de prospérer. C'est la séquence d'apprentissage du jeu, ou l'on apprend à piloter un navire, à récolter des objets, à pêcher, à visiter des petites zones à pied, et, finalement, obtenir la direction à prendre pour rejoindre Sainte-Anne.
Une fois sur place, sur l'île des pirates (il y a au moins un autre QG bien plus tard), on obtient le privilège de rencontrer divers personnages qui nous confient quelques tâches et compléter notre première mission en mer. Une fois les éléments requis en cale, on obtient alors le droit de faire construire un bateau de pirate qui ne soit plus une coque de noix et le droit d'effectuer quelques missions plus périlleuses. L'objectif est de monter en grade en faisant grimper notre niveau «d'infamie» et de devenir une légende de la piraterie (un «kingpin») ce qui ouvre la porte à un endgame dont les activités restent à être découvertes.
Un «jeu service»
«Skull and Bones» est donc bien un «jeu service» qui se joue sur des serveurs (20 places par serveur), où les frontières entre les activités solitaires ou à plusieurs sont floues, où les activités sur une vaste zone de jeu sont à la fois composées de tâches prédéfinies, mais aussi d'activités qui seront introduites selon le bon plaisir des cuistots. L'objectif étant de proposer un monde vivant et constante évolution. S'en faire une opinion définitive alors que le jeu commence à peine sa vie serait donc présomptueux.
Mais sur la base de ce que nous voyons à ce stade, on dira que le jeu nous paraît...
...Très plaisant à l'œil, mais avec des personnages assez raides. La modélisation de l'eau est superbe, des navires aussi, mais les avatars semblent se mouvoir avec un balai dans le fondement, sans parler des expressions faciales plutôt rudimentaires. Autrement dit, «Skull and Bones» est beau, mais n'a pas la cohérence stylistique d'un «Sea of Thieves» (jeu de pirates exclusif à l'écosystème Xbox).
...Plutôt agréable à prendre en main, du fait d'un gameplay qui place fort bien le pied à l'étrier avec du facile au début et une augmentation graduelle de la difficulté. C'est habilement construit et, surtout, moins pénalisant pour le joueur souhaitant progresser en solo. Ce qui n'est pas tout à fait le cas pour «Sea of Thieves», très vite décourageant si pas pratiqué en équipe. Pour Skull, on relève en particulier que la gestion des combats navals est très bien conçues et tout à fait gérable quelles que soient les circonstances.
Encore cachotier
...Mais encore cachotier. Toujours dans la phase de la montée nécessaire en puissance, on se demande encore si, à un moment ou un autre, on sera happé par une mission, un contrat, un objectif suffisamment original et qui ne se résume pas en un «rapportez tel ou tel matériel à tel ou tel endroit», en un «n'oubliez pas d'optimiser vos ressources afin d'être en mesure de remporter les combats», aussi en un «n'oubliez pas de revenir sur le lieu de votre dernière défaite pour récupérer la cargaison que vous avez perdu». Pour l'instant, ça passe. Mais à plus long terme, on en demande qu'à être surpris.
«Skull and Bones» n'est pas la catastrophe redoutée par celles et ceux qui ont suivi son développement chaotique. Le jeu tente maintenant de démontrer qu'il est bien plus qu'une partie d'«Assassin's Creed - Black Flag» qui a gagné des galons. Il pourrait séduire surtout ceux qui aiment jouer en bande sans pour autant laisser les solitaires sur la touche. À suivre.
«Skull and Bones», ed. Ubisoft, disponible sur PC Windows (via Ubisoft Connect), PlayStation 5, Xbox Series.
Un jeu dont le développement a connu six reports successifs
Bien que figure très présente dans la culture populaire, le pirate n’a que rarement été exploité dans l’univers du jeu vidéo, malgré un succès souvent au rendez-vous, que ce soit pour «Sid Meier’s Pirates!», sorti en 1987 et réédité en 2004, «Black Flag», issu de la série «Assassin’s Creed» d’Ubisoft en 2013, ou encore «Sea of Thieves» en 2018.
C’est d’ailleurs le succès de «Black Flag», largement acclamé, qui va pousser le développeur à se lancer dans l’aventure pirate, confiant la réalisation à son studio de Singapour, qui y avait déjà largement participé.
Malgré cette genèse réussie, le développement du jeu s’est avéré tout sauf simple: changement de capitaine en cours de route, six reports successifs, nombreux changements de cap. Au final, pour éviter le naufrage, plus d’une dizaine de studios du groupe ont travaillé sur le projet.
(AFP)