HistoireLes CFF font la lumière sur les héros de leurs locomotives
En fouillant le passé des célébrités suisses dont le nom figure sur leurs Intercity, les CFF ont découvert des points sombres pour trois d’entre elles, dont le fondateur de la Croix-Rouge.
«Les voyageurs qui montent dans le train ICN entre Genève et Rorschach seront à l'avenir informés des côtés sombres d'un héros suisse», écrit la «NZZ am Sonntag» du jour. Le nouveau panneau explicatif avec une courte biographie d'Henry Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge, dont le nom figure sur ce train depuis 2005, indiquera en effet que: le «revers de la médaille» de l’homme fut « son activité coloniale » dans ses premières années dans l'Algérie actuelle.
Il est en effet peu connu, comme l’a révélé l’historien Georg Kreis, (lire encadré) que le célèbre Romand avait tenté de créer une colonie suisse en Algérie et de réussir en tant qu'entrepreneur. Les chercheurs en histoire saluent ce regard différencié qui sera donné aux voyageurs des CFF. Mais l'héritage de Dunant n'en est pas affecté, selon Nadine Schneider, directrice du musée Henry Dunant (lire encadré), interrogée par le journal zurichois.
Expertise historique à la suite de l’«affaire Grock»
Le train dédié à Henry Dunant n’est pas le seul concerné par ces changements. L’Intercity dédié au célèbre clown Grock le sera aussi. Car, un article de la «NZZ am Sonntag» a révélé en mai 2023 les liens du «roi des clowns» avec le régime nazi. C'est d'ailleurs ce qui a poussé les CFF à enquêter sur les autres personnalités illustrant ses trains.
La régie fédérale a alors chargé l’historien bâlois Georg Kreis – connu notamment comme membre de la commission Bergier – de vérifier les biographies de l’ensemble des célébrités dont les noms figurent sur leur flotte de 44 ICN.
Trois bios à revoir
L’expert a depuis recommandé de remplacer les informations de trois biographies. Outre celles du clown Grock et d’Henry Dunant, les informations sur l'architecte Le Corbusier seront également révisées. Ce dernier avait en effet «de l'affection pour les régimes totalitaires», connue depuis longtemps. Il avait notamment fait des avances aux Soviétiques, rappelle la «NZZ am Sonntag».
Le passé colonial d’Henry Dunant était connu
La correction apportée aux informations des CFF sur Henry Dunant dans l’ICN qui porte son nom est plutôt surprenante pour cet homme, considéré comme le Suisse humanitaire par excellence, note la NZZ am Sonntag.
Celle-ci rappelle encore que son passé dans les colonies n’est pas une découverte. Il y a deux ans, le Musée Henry Dunant avait déjà réalisé une exposition intitulée «Henry Dunant et sa carrière coloniale». Elle montrait comment le jeune Dunant entrepreneur s'était conformé aux standards du colonialisme de l'époque et avait adhéré aux stéréotypes correspondants. Mais l’expo avait montré aussi comment, à un âge avancé, il a commencé à critiquer les colonisateurs.
Le musée Henry Dunant, en cours de transformation, va intégrer l'activité de l’artiste en Algérie à son exposition principale. Le musée rouvrira à la fin de l'été.