«Je ne me tairai pas tant que justice ne sera pas faite»

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Séismes en Turquie«Je ne me tairai pas tant que justice ne sera pas faite»

Un an après les terribles séismes qui ont ravagé le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, les rescapés et les victimes attendent que la justice fasse son travail.

Comme plusieurs centaines de milliers de rescapés du premier tremblement de terre, Zahide Seker vit depuis près d'un an dans un conteneur.

Comme plusieurs centaines de milliers de rescapés du premier tremblement de terre, Zahide Seker vit depuis près d'un an dans un conteneur.

AFP

Zahide Seker a souvent songé au suicide après avoir perdu presque toute sa famille dans les séismes du 6 février 2023, qui ont dévasté le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, faisant plus de 56’000 morts. Mais la quadragénaire a vaincu ses démons et veut désormais que ceux qu’elle tient pour responsables de l’effondrement de son immeuble à Kahramanmaras, grande ville turque proche de l’épicentre, soient traduits en justice.

«Je ne me tairai pas tant que justice ne sera pas faite», affirme-t-elle dans le conteneur où elle vit désormais, comme plusieurs centaines de milliers de rescapés du premier tremblement de terre, de magnitude 7,8 – le second, le même jour, a eu une magnitude estimée entre 7,5 et 7,9.

Zahide Seker habitait la cité Ebrar, où près d’une vingtaine d’immeubles de huit étages se sont effondrés en pleine nuit, tuant 1400 personnes. Les autorités estiment que 7500 immeubles de la ville n’ont pas résisté aux secousses, submergeant les secours déjà ralentis par la tempête de neige qui s’abattait sur la région.

Entrepreneurs et promoteurs incriminés

La rescapée n’a pu extraire les corps de ses deux enfants des décombres qu’au sixième jour, à mains nues. «On m’a pris ma joie de vivre. Ça fait un an, et je n’arrive toujours pas à dépasser ce traumatisme. J’ai voulu mourir plusieurs fois», lâche-t-elle en sanglots.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a imputé le lourd bilan aux entrepreneurs et promoteurs, les accusant d’avoir utilisé des matériaux de mauvaise qualité et d’avoir violé les normes de construction. Plus de 260 d’entre eux ont été arrêtés dans les semaines suivant le séisme, certains alors qu’ils tentaient de fuir la Turquie.

Beaucoup pourraient échapper à la justice

Mais les avocats des familles des victimes craignent que beaucoup échappent à la justice, une partie des preuves à charge ayant disparu sous les chenilles des bulldozers. Les enquêtes contre les fonctionnaires ayant accordé les permis de construire et validé les inspections de sécurité nécessitent une autorisation du Ministère de l’intérieur: aucune n’a pour l’heure été ouverte.

«Les entrepreneurs ont construit une salle de prière en sous-sol et ont coupé des colonnes porteuses. Mais ils ont menacé mon fils lorsque nous les avons alertés.»

Nebahat Pacala, rescapée de Kahramanmaras

Nebahat Pacala, qui a perdu son mari, sa fille et sa petite-fille, assure avoir répété aux entrepreneurs qu’ils construisaient sur un sol instable et violaient les normes de construction. «Ils ont construit une salle de prière en sous-sol et ont coupé des colonnes» porteuses, assure la sexagénaire. Les murs de son appartement gonflaient également à cause d’infiltrations d’eau, «mais les entrepreneurs ont menacé mon fils lorsque nous les avons alertés».

Lors d’un meeting à Kahramanmaras, en 2019, le président Erdogan s’était félicité d’une loi d’amnistie controversée adoptée l’année précédente, qui a régularisé près de six millions de logements construits illégalement à travers le pays. Cette loi a offert un toit à 145’000 personnes dans la ville. Mais au lendemain du séisme, ses détracteurs l’ont accusée d’être l’une des raisons du lourd tribut payé par la population.

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L’entrepreneur qui ne «connaît rien» aux règles de construction

Devant le tribunal, Tevfik Tepebasi, l’un des principaux entrepreneurs de la cité Ebrar, s’est dit innocent, affirmant même pour sa défense ne «rien connaître» aux règles de construction, afin de rejeter la faute sur ses équipes. Argument qui a suscité un tollé. L’homme, poursuivi dans plusieurs enquêtes liées au séisme, encourt jusqu’à 22 ans et demi de prison s’il est reconnu coupable d’avoir causé la mort ou des blessures par négligence.

«La mousse a volé comme de la neige»

Sur les ruines d’un ancien immeuble de cinq étages, Tuba Erdemoglu, 35 ans, montre des morceaux d’une mousse d’ordinaire utilisée comme isolant. Selon elle, c’est cette mousse – et non du béton – qui avait été utilisée dans les colonnes du bâtiment qui, en s’écroulant, a tué 44 personnes, dont sa sœur et ses parents. «Le bâtiment s’est effondré en quelques secondes. La mousse a volé comme de la neige», affirme-t-elle. «Je veux que les fonctionnaires municipaux soient poursuivis. Je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont assassiné ma famille.»

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