Crime de lèse-majesté en Thaïlande«La loi n’est pas un fax envoyé par Dieu, les gens peuvent la changer»
Le principal parti d’opposition thaïlandais a été sommé par la justice de renoncer à réformer la loi de lèse-majesté, qui protège la monarchie.
La justice thaïlandaise a ordonné, mercredi, au principal parti d’opposition, de renoncer à réformer la loi de lèse-majesté, un texte jugé trop sévère et hors de contrôle par le mouvement pro-démocratie qui divise le pays.
La Cour constitutionnelle a jugé que Move Forward devait «abandonner immédiatement» sa mesure phare d’abroger la loi sur la diffamation royale, qui protège le monarque Maha Vajiralongkorn et sa famille. Un tel programme dénote «une intention de séparer la monarchie de la nation thaïlandaise, ce qui est très dangereux pour la sécurité de l’Etat», ont développé les juges. «Il y a des interdictions dans l’exercice des droits et des libertés qui affectent la sécurité et la paix du pays, l’ordre de l’Etat et les bonnes mœurs», ont-ils poursuivi.
Vainqueur des élections législatives en avril dernier, Move Forward échappe à la dissolution mais garde une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, en raison de ses prises de positions sur la monarchie jugées inconstitutionnelles. La percée de la formation réformiste réveille de vieilles divisions en Thaïlande, où le pouvoir reste aux mains des élites économiques et militaires attachées au roi, en dépit de l’aspiration au changement exprimé dans les urnes par les nouvelles générations.
Le parti incarné par Pita Limjaroenrat est le seul en Thaïlande à évoquer ouvertement une réforme de la loi de lèse-majesté. Son programme de rupture, qui plaide pour une refonte des institutions et la fin de certains monopoles, a attiré des millions d’électeurs, désireux de tourner la page d’une quasi-décennie sous domination militaire.
Mais ses adversaires, prétextant la dangerosité de Move Forward pour la monarchie, a réussi cet été à former une coalition hétéroclite pour les exclure du pouvoir. Move Forward faisait l’objet d’une plainte déposée par un avocat proche des milieux conservateurs, qui estime que cette mesure équivaut à vouloir renverser la monarchie.
Loi stricte
Les accusés ont dénoncé des poursuites politiques visant à entraver leur dynamique.
Aussi puissante que mystérieuse, la monarchie est protégée par l’une des législations contre la diffamation les plus strictes du monde. La réglementation de lèse-majesté, connue en Thaïlande comme l’article «112», a été détournée pour étouffer toute contestation dans la foulée des manifestations pro-démocratie de 2020 et 2021, ont indiqué des groupes de défense des droits humains.
Mi-janvier, un tribunal a condamné en appel un militant à 50 ans de prison pour une série de publications sur Facebook jugées diffamatoires envers le roi Maha Vajiralongkorn et sa famille, une peine record.
«La loi n’est pas un fax envoyé par Dieu. C’est un texte écrit par des mains humaines, donc les gens peuvent le changer», a rappelé mercredi Thanathorn Juangroongruangkit, une figure de l’opposition. Son parti, Future Forward, avait été dissous en 2020 par la Cour constitutionnelle, avant de renaître sous la bannière Move Forward. La décision des juges avait provoqué des manifestations massives réclamant une refonte en profondeur de la monarchie.
La semaine dernière, la Cour constitutionnelle a blanchi Pita Limjaroenrat et lui a permis de retrouver son siège de député, après une affaire de déclaration de patrimoine.