NorvègeProstituées et montres de luxe, le procès de la corruption du biathlon
Anders Besseberg, ancien patron de la fédération, est accusé d'avoir accepté des faveurs, notamment de la Russie.
Des montres de luxe, des prostituées, des parties de chasse: le procès du Norvégien Anders Besseberg, homme fort de la discipline pendant un quart de siècle, jette une lumière crue sur la corruption présumée dans le monde du biathlon, dans l’ombre de la Russie.
Patron de la Fédération internationale de biathlon (IBU) de 1992 à 2018, Anders Besseberg, 77 ans, est jugé depuis le 9 janvier dans son pays d’origine pour, selon le parquet, avoir accepté des faveurs indues; des accusations qu’il rejette.
Faisant les choux gras de la presse norvégienne, ce procès de cinq semaines devrait voir défiler une vingtaine de témoins, dont le lanceur d’alerte Grigory Rodchenkov à l’origine des révélations sur le dopage organisé en Russie au début des années 2010.
««Pourquoi les Russes voulaient-ils corrompre Besseberg? Pourquoi l’exploitant de droits Infront était-il intéressé à verser des pots-de-vin?», a lancé la procureure Marianne Djupesland au premier jour du procès.
Parties de chasse au sanglier et au cerf
Selon l’accusation, Anders Besseberg a, entre 2008 et 2019, reçu trois montres d’une valeur totale supérieure à 30'000 francs, des parties de chasse au sanglier et au cerf et s’est vu offrir des prostituées, tout cela aux frais de responsables russes.
Le septuagénaire reconnaît avoir bénéficié d’une partie de ces cadeaux mais balaie les soupçons de corruption qui y sont liés. «Je n’ai aucun intérêt pour les montres ni d’expertise sur leur marque ou leur valeur», s’est défendu celui qui s’est décrit comme «un simple gars de la ferme». L’Omega à plus de 17 000 francs reçue en 2011 à l’occasion de ses 65 ans? «Je ne pense pas que c’était démérité».
«Ce n'étaient pas des prostituées»
Les parties de chasse en Russie? La pratique d’une passion, selon lui, sans nature à influencer des décisions qui, assure-t-il, ne lui appartenaient pas. L’accès à des prostituées? Elles ne l’étaient pas, affirme M. Besseberg, qui ne concède de toute façon qu’une relation extraconjugale avec une Russe de 42 ans.
Aux manettes de l’IBU au moment où a éclaté le scandale de dopage institutionnalisé dans le sport russe, notamment aux JO d’hiver de Sotchi en 2014, le responsable norvégien était initialement accusé de s’être laissé acheter pour cacher des cas de dopage russe.
Mais cette partie des charges a ensuite été abandonnée. En Norvège, il suffit de recevoir des faveurs indues, sans nécessairement échanger des contreparties, pour que le délit de corruption soit constitué. Mais la Russie reste «l’éléphant dans la pièce», comme l’a noté un journaliste du tabloïd «Verdens Gang», qui suit le procès.
Fermer les yeux sur le dopage
L’accusation a ainsi multiplié les preuves suggérant que M. Besseberg avait fait preuve d’une complaisance suspecte vis-à-vis des Russes pendant ces années. Comme lors de cette conversation de décembre 2017 où, alors qu’il était sur écoute téléphonique, il se défendait face à la légende du biathlon norvégien, Ole Einar Bjørndalen, qui l’interpellait sur l’absence de réaction de l’IBU après les révélations sur le dopage russe.
Et tel cet autre entretien téléphonique à la même époque dans lequel la secrétaire générale de l’IBU d’alors, l’Allemande Nicole Resch, elle aussi mise en cause pour corruption dans un rapport d’enquête en 2021, confie à une interlocutrice à quel point M. Besseberg est «insensément pro-Russie».
Selon la commission d’enquête lancée par Olle Dahlin, successeur de M. Besseberg à la tête de l’IBU, le Norvégien avait notamment pesé de tout son poids pour accorder, malgré les révélations, l’organisation des Mondiaux 2021 à Tioumen en Sibérie. Ces championnats avaient finalement été réattribués à Pokljuka (Slovénie).
D'autres corrupteurs
L’ombre de la Russie donc, mais pas seulement. Selon l’accusation, M. Besseberg a aussi bénéficié de parties de chasse gratuites en Autriche et en République tchèque, et pendant sept ans d’une BMW X5 en leasing, payées par la société de droits de retransmission Infront.
Le procès, qui se tient à Hokksund à 60 kilomètres à l’ouest d’Oslo, doit durer jusqu’au 16 février. Le délit de «corruption aggravée» retenu contre M. Besseberg est passible de dix ans de prison.