Guerre en Ukraine«Pour les Russes, je suis déjà mort deux fois»
Trois volontaires français en Ukraine, annoncés comme morts par la Russie, se disent «bien vivants» et «pas mercenaires».
«Pour les Russes, je suis déjà mort deux fois», annonce Franck, barbe généreuse et sourire sarcastique aux lèvres: «Heureusement, ce ne sont pas des morts très graves puisque je ressuscite» ensuite, plaisante ce combattant de la Légion internationale ukrainienne, interrogé par l’AFP.
Une manœuvre russe
Franck fait partie des présumés «mercenaires» français tués, selon Moscou, dans une frappe la nuit du 16 au 17 janvier à Kharkiv, au nord-est de l’Ukraine. Le ministère de la Défense russe, dans une vaste opération de communication, a affirmé avoir à cette occasion «éliminé» une soixantaine de combattants «dont la plupart étaient des citoyens français» et blessé 20 autres.
Paris assure de son côté avoir «identifié une manœuvre coordonnée de la Russie» pour diffuser de fausses informations impliquant la France, au moment où celle-ci multiplie les promesses d’armement à l’Ukraine.
Une «propagande bidon»
Plusieurs listes, dont une censée dévoiler l’identité d’une trentaine de «mercenaires français morts», ont ainsi été relayées massivement par des chaînes Telegram et des activistes pro-Kremlin.
On y trouve mention de Franck, qui à l’automne 2022, avait déjà été déclaré tué par un média russe, dans une vidéo vue par l’AFP. «J’avais perdu ma caméra Go-pro dans une tranchée de la région de Zaporijjia (Sud), raconte-t-il. Ils avaient utilisé mes images, mélangées à celles de cadavres, pour dire que tout mon groupe était mort.»
L’AFP a également pu retrouver et interroger deux autres Français figurant sur ces listes. Tous trois dénoncent une «propagande bidon», destinée à «décrédibiliser» leur engagement comme volontaires aux côtés des forces armées ukrainiennes. Ces anciens militaires français, dont aucun n’était à Kharkiv au moment de l’attaque, réfutent avec force le qualificatif de «mercenaire».
Listes générées par ChatGPT
Pour un Français se faisant appeler Sly, «c’est n’importe quoi, ces listes: il y a d’autres gars dessus que je connais, ils étaient en Ukraine par le passé mais ils sont rentrés en France depuis un moment».
Certaines des identités présentées sont par ailleurs fausses, soulignent des sources diplomatiques et militaires françaises, l’une d’elles affirmant que certaines listes «générées par Chat GPT» ont produit des noms fantaisistes. Tel ce «Air Jordan», né en 1986, qui serait décédé. «A partir d’éléments vérifiés sur la présence de Français en Ukraine, (...) ils mélangent le vrai et le faux», dit-elle.
Xavier Tytelman, consultant et rédacteur en chef de la revue «Air et Cosmos», en lien régulier avec les Français de la Légion internationale ukrainienne, assure avoir contacté une douzaine d’entre eux nommés sur ces listes, «tous bien vivants».
Des Français pas «mercenaires»
La France ne dément pas la présence de certains de ses citoyens dans les rangs de l’armée ukrainienne, mais rejette le sous-entendu russe qu’elle est impliquée dans leur recrutement.
Le mot de «mercenaire» choisi par Moscou n’est pas anodin. Interdit par la loi française, le mercenariat, soit le fait de combattre moyennant rétribution à l’étranger, est passible de 5 ans d’emprisonnement. Ce terme est aussi celui employé par la France pour dénoncer les activités du groupe paramilitaire russe Wagner, accusé depuis des années par Paris de prédation et de crimes de guerre en Afrique.