Record mondialLes ronds-points, emblèmes de la France «moche»
La France serait le pays qui compte le plus de carrefours giratoires au monde, devenus symboles de tristesse industrielle et de lutte sociale dans l'Hexagone.
Emblématiques de cette France perçue comme «moche» des zones industrielles et commerciales, les ronds-points, devenus le symbole de la contestation sociale des «gilets jaunes» en 2018, se comptent par dizaines de milliers dans l’Hexagone.
Nombre record
Malgré l’absence de statistiques officielles, la France est le pays qui en compterait le plus au monde. A l’origine, ces espaces circulaires avaient pour vocation de renforcer la sécurité routière en limitant les croisements entre automobilistes. Leur nombre a explosé avec le développement des zones commerciales et industrielles, qui forment ces paysages périurbains aujourd’hui décriés.
Vingt-mille auraient été recensés en 2005, selon les travaux du professeur et docteur en architecture Eric Alonzo, auteur de l’ouvrage «Du rond-point au giratoire». Un nombre en constante augmentation puisque 500 à 1000 nouveaux ronds-points verraient le jour chaque année en France. La compagnie lettonne de location de véhicules DiscoverCars.com a établi en septembre son propre classement à partir de données OpenStreetMap. La France y occupe de loin la première place mondiale avec 42'986 ronds-points répartis sur l’ensemble du territoire, soit 65% de plus que le Royaume-Uni, deuxième de la liste avec 25'976 carrefours giratoires. Viennent ensuite l’Italie (18'172), l’Espagne (15'053) et le Brésil (11'854).
Entre «100'000 et un million d’euros»
Le premier rond-point en France a vu le jour place de l’Etoile à Paris, en 1907, autour du célèbre arc de triomphe, sous l’impulsion de l’urbaniste Eugène Hénard. Ensuite «ils se sont développés dans les années 1960 et 1970, avant de se démultiplier dans les années 1980 pour accompagner la croissance du réseau des zones commerciales de périphérie», selon Philippe Genestier, architecte-urbaniste. Un choix urbanistique justifié au départ par de «premiers travaux d’accidentologie, dans les années 1960, qui ont montré que les carrefours «classiques», avec priorité à droite, étaient dangereux», précise ce spécialiste, professeur à l’Ecole nationale des travaux publics d’Etat (ENTPE).
Philippe Genestier estime que «les ronds-points restent des travaux au coût important, en matière de terrassement, chaussée et paysagement». Selon lui, une controverse serait née à partir d’une pratique répandue jusque dans les années 1980 d’ingénieurs des collectivités territoriales «qui percevaient des primes en fonction du montant des travaux qu’ils étaient amenés à réaliser». Jean-Baptiste Léon, directeur d’une association de contribuables qui défend la maîtrise de la dépense publique, évalue le coût moyen d’un rond-point en France entre «100'000 et un million d’euros». Il assure à l’AFP avoir estimé à «30 milliards sur quarante ans» les dépenses publiques relatives aux ronds-points, en s’appuyant sur des données officielles.
Occupés par les gilets jaunes
Les ronds-points sont souvent agrémentés d’un décor, en vertu du «1% artistique» qui impose en France une «obligation de décoration des constructions publiques».
Le mouvement social des «gilets jaunes» né en 2018 du refus d’une hausse d’une taxe sur les carburants, a hissé le rond-point au rang de symbole politique de la contestation. Les protestataires, issus de la France dite «périphérique» dépendante de la voiture, les ont investis en y établissant des campements et en organisant des forums de discussion, parfois de confrontation, avec les automobilistes.