LyonL'attaque du fourgon blindé suisse a-t-elle été trop facile?
Au troisième jour du procès des braqueurs, le président de la cour d’assises a relevé les failles de sécurité du transporteur.
Un fourgon ouvert avec une simple «tige» par les braqueurs: les «faibles» mesures de sécurité de la société de transport Loomis ont été épinglées mercredi à Lyon, au troisième jour du procès de l'attaque lucrative d’un convoi de fonds à Nyon en 2017.
Un même trajet répété chaque jour, des horaires identiques, un fourgon simplement semi-blindé et surtout la présence dans le véhicule d’une «tige» permettant une ouverture manuelle, rendue nécessaire par un dysfonctionnement technique: le président de la cour d’assises du Rhône Eric Chalbos a relevé les interrogations sur les «failles de sécurité», qui ont permis ce braquage au butin record.
Six hommes, âgés de 32 ans à 47 ans au moment des faits, sont jugés toute la semaine pour «vol en bande organisée avec arme» et «enlèvement et séquestration». Trois d’entre eux sont absents, en fuite depuis un an et sous mandat d’arrêt. Ils sont accusés d’avoir attaqué, le 24 mai 2017, un fourgon de la société Loomis sur l’autoroute entre Genève et Lausanne en se faisant passer pour des policiers, équipés de brassards et de gyrophares.
Cette nuit-là, des braqueurs enferment, sous la menace de fusils d’assaut, les convoyeurs dans les coffres de deux voitures. Une fois du côté français de la frontière, ils contraignent l’un d’entre eux à ouvrir le fourgon grâce au dispositif manuel de la «tige» dont ils connaissaient l’existence et qui, insérée proprement, permettait l’ouverture de la porte latérale.
La tige était une info confidentielle
L’existence de cette «tige» était «une information confidentielle et quelqu’un l’a fait passer» aux braqueurs, a affirmé mercredi le directeur de la sécurité Europe du transporteur de fonds Loomis, Rui Teixeira, entendu comme témoin.
Au centre de sécurité genevois de la multinationale, les murs étaient trop épais et empêchaient l’ouverture télécommandée des fourgons, contrairement à la procédure. Pour répondre au «problème qui n’était pas récent et n’avait pas été résolu, les équipes avaient trouvé cette façon de débloquer» les portes, a expliqué le témoin. Au moins trois fourgons étaient concernés.
Un risque «vraiment bas» en Suisse
«Le niveau de risque de la Suisse jusqu’à 2017 était vraiment bas», incomparable avec la France voisine, a-t-il également soutenu face aux questions du président de la cour et des avocats de la défense. «D’autres sociétés avaient des sécurités aussi faibles que la nôtre», a-t-il justifié, affirmant qu’en 16 ans de métier à l’époque, il s’agissait de son premier braquage en terre suisse.
Autre sujet qui a posé question: l’inefficacité des alarmes et l’absence de suivi du véhicule. Ni l’alarme enclenchée automatiquement lors de l’ouverture du véhicule, ni celle silencieuse qu’un des convoyeurs dit avoir activée manuellement, n’ont été reçues par la société.
Un brouilleur pour neutraliser les alarmes?
«On a un souci à 2h50, il n’y a plus rien qui remonte», a expliqué le directeur de la sécurité. Dernier bornage du GPS du fourgon: le moteur du véhicule a été coupé à 2h50 sur l’autoroute et a été rallumé moins de deux minutes plus tard, le dernier signal reçu. «La seule explication, c’est la présence d’un brouilleur d’onde sur place» a-t-il avancé devant la cour.
Les six malfaiteurs, «agrégation de deux équipes», l’une lyonnaise et l’autre d’Annecy selon les enquêteurs, étaient sans le savoir sous surveillance depuis neuf mois et ont été arrêtés en flagrant délit quatre heures après les faits dans une villa de Haute-Savoie.
Ils étaient en possession d’un conséquent volume de billets de différentes devises, l’équivalent de neuf grands sacs pleins de La Poste qui a nécessité deux jours de comptage aux experts entendus par la cour, ainsi que des lingots d’or et des milliers de pierres précieuses, pour un pactole total estimé à 40 millions de francs suisses.
Les réquisitions sont attendues jeudi et le verdict vendredi. Les cinq accusés récidivistes encourent la perpétuité, le sixième entre 20 et 30 ans de réclusion criminelle.