France«On a la rage de continuer, pour cette famille qui est décédée»
Les agriculteurs français durcissent leur mouvement de grève afin de faire plier le gouvernement et obtenir des réponses à leurs revendications.
Endeuillée par les décès d’une éleveuse et de sa fille, la mobilisation des agriculteurs français s’accentue mercredi avec des barrages routiers pour faire pression sur le gouvernement de Gabriel Attal et obtenir des réponses rapides à leur «rage» et leurs revendications.
Jachère, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole... Les cultivateurs et éleveurs français n’ont pas tous les mêmes demandes mais partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre désir de produire et d’exporter, et nécessité de réduire leur impact sur la biodiversité et le climat.
«On a commencé, maintenant on continue»
Tôt mercredi, des agriculteurs à bord d’au moins 200 tracteurs ont envahi la rocade de la grande ville de Bordeaux, axe névralgique entre Paris et l’Espagne, bloquant la circulation pour exprimer les revendications d’une «agriculture en colère».
«Le prix du gasoil, toutes les taxes, et même par rapport aux générations futures... ça ne donne pas envie de s’installer», a déclaré à l’AFP Yoan Joannic, 20 ans, agriculteur dans le sud de la Gironde. Ce jeune producteur céréalier s’est dit ému par les décès d’une éleveuse d’une trentaine d’années et de sa fille adolescente, percutées par une voiture sur un barrage mardi à Pamiers (sud-est).
«On a la rage de continuer, pour cette famille qui est décédée. Ils étaient comme nous, passionnés... On a commencé, maintenant on continue !», a-t-il lancé. Démarré jeudi dernier dans le sud-ouest du pays par un blocage d’autoroute qui continue, le mouvement s’est étendu depuis à toute la France.
«Les actions vont s’amplifier»
«Les actions vont s’amplifier» mercredi, a promis mardi soir sur TF1 le président du syndicat majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau.
Après la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) reçus lundi, la Coordination rurale, deuxième syndicat, et la Confédération paysanne, troisième, sont sortis mardi soir du bureau du Premier ministre Gabriel Attal sans appeler à lever les blocages. La première a jugé l’échange «constructif» tandis que la seconde jugeait les propositions «insuffisantes».
Le mouvement devait se poursuivre mercredi, avec des mobilisations d’agriculteurs et des blocages annoncés sur des routes nationales et des autoroutes, du nord au sud du pays.
De nouvelles manifestations et occupations de ronds-points, péages ou bretelles d’autoroute ou encore des opérations escargot étaient ainsi attendues sur tout le territoire et dans le nord, l’accès au tunnel sous la Manche ainsi qu’au port desservant l’Angleterre pourrait être perturbé, ont averti les autorités.
Contestation européenne
Mais comment résoudre vite des problèmes aussi enracinés? Assailli de questions à l’Assemblée mardi, le Premier ministre français Gabriel Attal a évoqué des mesures qui pourraient arriver rapidement: d’abord sur la rémunération des agriculteurs par les industriels et les grandes surfaces.
Il a aussi promis de répondre à la demande de simplification administrative, les exploitants, surtout les éleveurs, devant remplir chaque jour de nombreux documents. Les demandes de subventions et d’aides après des calamités prennent aussi trop de temps, se plaignent les agriculteurs.
«Je pense que les annonces qui seront faites, ça ne sera pas suffisant. Et donc notre mouvement va se poursuivre dans les semaines à venir jusqu’au Salon de l’agriculture», pronostiquait un agriculteur membre de la FNSEA sur un blocage de l’A63 à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) dans la nuit de mardi à mercredi.
Les autres grands pays agricoles européens étant confrontés à des mouvements similaires, le sujet agite aussi Bruxelles. La Commission européenne doit réunir jeudi organisations agricoles, secteur agro-alimentaire, ONG et experts pour tenter de calmer le jeu et convaincre de l’intérêt de réconcilier transition écologique et agriculture.