ThéâtreChappatte amène sa planche à dessins sur les planches
Le célèbre dessinateur de presse a décidé de raconter son métier au public. Qui s'est rué sur les places, avant même le commencement.
- par
- Michel Pralong
Un dessinateur de presse, par définition, cela s'exprime dans la presse. Mais Patrick Chappatte n'aime pas être enfermé dans une case, même s'il n'en fait généralement qu'une pour marquer les esprits des lecteurs du «Temps», de la «NZZ am Sonntag», du Canard Enchaîné, du «Spiegel» ou du «Boston Globe».
Alors le dessinateur a décidé de se donner en spectacle et d'entendre les rires qu'il ne peut percevoir lorsque le lecteur s'amuse de l'un de ses dessins. Mais qui peut bien s'intéresser à voir des dessins de presse présentés dans un théâtre? Eh bien, visiblement beaucoup de monde puisque, alors que la première a lieu ce mardi 23 janvier à Boulimie, à Lausanne, la majorité des dates de sa tournée romande affiche déjà complet.
«Du coup, j'ai le trac»
«Je pensais que je devrais aller chercher le public, reconnaît Patrick Chappatte. Maintenant, vu l'attente des gens, visiblement, j'avoue que j'ai le trac. Je l'avais déjà un peu parce que je ne suis pas un comédien. J'espère que tous ces gens qui ont payé pour me voir repartiront contents».
Quelle idée aussi de passer de la solitude de sa planche à dessins aux planches d'un théâtre. «Je me suis toujours efforcé de trouver comment donner vie au dessin. J'ai fait des reportages dessinés, qui fonctionnent très bien, il y a aussi le dessin qui s'anime et je donne des conférences sur le métier de dessinateur de presse. Mais il y a 2 ans, l'humoriste Frédéric Recrosio et le directeur d'Opus One Vincent Sager, m'ont demandé pourquoi je n'en ferais pas un spectacle. J'ai mis un an et demi à leur répondre: essayons!»
Car non, Chappatte en scène n'est pas une conférence, même si cela commence comme cela. «Je montre les coulisses du dessin de presse et ceux de mon cerveau. Le fil rouge sera le dessin à faire pour le lendemain, avec des passages sur les origines de ma vocation et du dessin de presse.»
Il ne s'agit pas d'une improvisation, avec des dessins en direct sur l'actualité du moment. «J'ai dû mettre au point le langage du dessin de presse sur scène. Tout est écrit, il faut être parfaitement raccord avec la chute qui apparaît au moment où le gag du dessin se dévoile, sinon le public regarde trop vite le dessin. Il ne faut évidemment pas lire ce que les gens voient.»
La guerre à Gaza, un champ de mines
Des centaines de dessins, quelques fois animés, vont être projetés sur un écran noir qu'il a fallu confectionner. «J'espère que durant un peu plus d'une heure, durée du spectacle, je puisse parler avec une certaine légèreté, même si, évidemment, il y a des moments plus graves, vu l'actualité. La guerre à Gaza, c'est un vrai champ de mines pour un dessinateur de presse. Pour le même dessin, on m'a traité d'antisémite et d'anti-palestinien.»
Rire de la guerre, de la haine, de la politique devient délicat dans une société où les clivages sont de plus en plus marqués. Face à cela, le «New York Times», où Chappatte travaillait, avait préféré jeter l'éponge et renoncer au dessin de presse. Une raison de plus pour que le Genevois monte au créneau pour défendre la liberté d'expression.
«J'aborde évidemment le sujet dans le spectacle, mais encore une fois, ce n'est pas une conférence. Des personnes m'ont déjà dit qu'elles avaient acheté des billets pour leurs parents. Tant mieux s'il y a des seniors, mais j'aimerais que le public amène des enfants. Ceux qui sont en âge de s'intéresser déjà au dessin de presse, vers 13-14 ans, je pense.»
Pas de place avant Genève
Mais pour voir Chappatte, ceux qui n'ont pas de billet devront donc prendre leur mal en patience, tout est complet à Boulimie, au Locle et à Yverdon. Il reste des places au Casino de Genève et vu le succès «prénatal» du spectacle, des dates ont été rajoutées en fin d'année à l'Octogone à Pully et au Bâtiment des Forces Motrices à Genève. «Ce sera de grandes salles, il faudra que je m'adapte et qu'on trouve un écran noir géant. Mais durant l'année, il y aura certainement d'autres représentations en Suisse romande.» Toutes les informations nécessaires se trouvent sur le site d'Opus One et sur celui de Chappatte.