Procès en FranceUn pasteur évangélique aurait détourné plus de 2 millions d’euros
L'accusé, qui affirmait vouloir «créer des orphelinats, des écoles, des hôpitaux en Afrique», aurait financé son train de vie luxueux grâce à des milliers de dons de fidèles.
Il avait déclaré vouloir construire «des orphelinats, des écoles, des hôpitaux en Afrique»: le Ministère public a requis jeudi un an d’emprisonnement contre un pasteur évangélique jugé à Créteil pour le détournement de plus de deux millions d’euros.
Ventilés sur plusieurs comptes
La procureure a demandé qu’il soit condamné pour abus de biens sociaux, abus de confiance et blanchiment à 30 mois d’emprisonnement, dont 18 assortis d’un sursis probatoire et 12 mois en détention à domicile sous surveillance électronique. Pour sa compagne, accusée de recel, le Parquet a requis 18 mois d’emprisonnement, dont 10 mois assortis du même sursis et 8 mois de détention à domicile sous surveillance électronique.
Poli à l’extrême, élégant dans sa chemise blanche sous son pull noir à motifs, ce Congolais de 52 ans est accusé d’avoir détourné entre 2019 et 2022 des milliers de dons de fidèles perçus dans le cadre de ses activités religieuses, à Pantin (Seine-Saint-Denis) dans l’Église de la Bonne Semence Transmise, et en ligne. Ces virements, au total plus de deux millions d’euros, étaient ventilés sur plusieurs comptes (personnels, professionnels et associatif au nom de l’Église) et avaient fait l’objet d’un signalement de Tracfin.
Cent quarante paires de chaussures
«Ces sommes n’ont absolument pas été utilisées pour faire l’œuvre de Dieu mais pour assouvir le train de vie du couple et sa cupidité», a assené la procureure lors de ses réquisitions, citant les plus de 140 paires de chaussures et produits de luxe retrouvés au domicile du couple ou les achats de biens immobiliers. Le pasteur, qui rejette fermement ces accusations, a assuré que les dons adressés à l’Église revenaient bien à la structure et que les autres dons, majoritairement recueillis via la diffusion de ses prêches sur YouTube, lui étaient destinés par des fidèles pour qu’il mène «une croisade évangélique en Europe et en Afrique».
Aux enquêteurs, il avait dit que l’objectif de son Église était, au-delà du développement spirituel, de «créer des orphelinats, des écoles, des hôpitaux en Afrique». Il assure qu’un orphelinat a bien été créé à Kinshasa. «Un seul orphelinat créé avec deux millions d’euros, ce n’est pas beaucoup, monsieur», le tance la procureure, pour qui le pasteur a entretenu une «confusion assumée» entre les différentes structures bénéficiaires des dons.
«Péché d’ignorance»
Très remonté, l’un des avocats de la défense, Me David-Olivier Kaminski, a dénoncé un «dossier bidon» et des «à peu près judiciaires», citant notamment l’absence de parties civiles ou de fidèles témoignant avoir été abusés. Me David Reingewirtz, un autre conseil de la défense, a plaidé un problème de gestion et une méconnaissance de la loi française pour expliquer l’absence de déclaration aux impôts des sommes perçues. Les deux se sont élevés contre l’interdiction de prêcher pendant trois ans requise par le Ministère public à titre de peine complémentaire. «Une peine de mort», pour Me Reingewirtz.
«Je vous dis en termes clairs, je n’ai jamais escroqué, je n’ai jamais eu l’intention de commettre les actes que me reproche le Ministère public», a conclu le pasteur à la barre. Il a plaidé le «péché d’ignorance» et invoqué son casier judiciaire vierge, qu’il a mentionné comme preuve de sa «très bonne intégration» en France.