Seema Misra, son destin brisé par la poste britannique

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Royaume-UniSeema Misra, son destin brisé par le scandale de la poste britannique

Condamnée à tort comme des centaines d’autres dans le scandale de la Poste britannique, Seema Misra a été emprisonnée alors qu’elle était enceinte de deux mois. 

Seema Misra a dû accoucher sous sous bracelet électronique.

Seema Misra a dû accoucher sous sous bracelet électronique.

AFP

Aujourd’hui âgée de 48 ans, Seema Misra prend en 2005 la tête du petit bureau de poste de West Byfleet, village du Surrey à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Londres.

Sa toute première journée s’achève avec un déficit de 80 livres sterling dans la caisse, raconte-t-elle à l’AFP dans sa maison de Woking. Le formateur se veut rassurant, soutient que «ce n’est jamais au centime près», raconte-t-elle.

«Mais pourquoi ça ne serait pas au centime près ? L’argent rentre, l’argent sort, ça devrait s’équilibrer», se demande-t-elle alors. La semaine suivante se solde par un déficit de 200 livres. Qui passe à 400 après une manipulation dans le système informatique préconisée par l’assistance téléphonique.

le temps passe, les déficits se creusent. Le Post Office fait la sourde oreille, lui imputant des erreurs comptables. Suivront un audit, une enquête et des poursuites pour vol: au final, Seema Misra se voit reprocher un trou dans la caisse de près de 75.000 livres sterling.

Le nom du véritable coupable: Horizon, le logiciel du géant japonais de l’informatique Fujitsu. Mais il faudra des années avant que le Post Office ne reconnaisse les dysfonctionnements.

Accouchement sous bracelet électronique

Environ 900 postiers ont été condamnés. «L’une des plus grandes erreurs judiciaires de l’histoire» du Royaume-Uni, a reconnu cette semaine le Premier ministre britannique Rishi Sunak, après une série télévisée consacrée au scandale, qui a suscité une immense vague de sympathie pour les victimes.

Seema Misra avait plaidé coupable pour falsification de compte, pour avoir apposé sa signature sur des bilans inexacts, mais non coupable de vol.

«Jusqu’au 10 novembre 2010, j’étais confiante d’obtenir justice, que tout aille bien.» Mais ce jour-là, 10e anniversaire de son fils aîné, elle est condamnée à 15 mois de prison. Seema Misra perd connaissance en entendant la peine, se réveille à l’hôpital. Elle sera ensuite incarcérée.

«Si je n’avais pas été enceinte, je me serais suicidée c’est sûr». Au moins quatre suicides sont dénombrés dans cette affaire.

Elle passera quatre mois derrière les barreaux, puis quatre mois sous bracelet électronique, même pendant son accouchement. «Je me demandais ce que la sage-femme pouvait penser sur le genre de mère que j’allais être», raconte-t-elle. Elle craint d’être réincarcérée pour violation de son couvre-feu. «C’est ce genre de choses que j’avais en tête en donnant naissance à mon enfant.»

Pendant des années, elle a dû emprunter à des proches. Elle a vendu à perte son petit bureau de poste, s’est vu confisquer un appartement acheté à Londres. Sa famille a souffert «financièrement» car Seema Misra ne pouvait plus travailler à cause de sa condamnation, mais aussi «mentalement».

«Il y a tellement de choses, comme les moments avec les enfants dont on n’a pas pu profiter à cause du scandale», «la dignité», «notre confiance», «on ne peut pas mettre un prix là-dessus», dit-elle.

La souffrance des innocents

La condamnation de Seema Misra sera finalement annulée en 2021, tout comme celle d’une petite quarantaine de ses collègues. Ce bureau de poste «aurait pu être notre aventure», «je voulais une sorte d’empire», «tout ça a été brisé», regrette Seema Misra, arrivée d’Inde en 1994.

«On aurait pu tout fermer et rentrer en Inde, mais on a décidé de ne pas le faire parce qu’on est venus ici avec l’espoir d’une vie meilleure pour notre famille», et toute cette affaire «ce n’est pas notre faute», dit cette femme déterminée aux longs cheveux noirs.

«En colère» contre le Post Office, qui aurait pu résoudre ce problème «il y a des lustres» et a «fait souffrir des innocents», elle souhaite voir les responsables du scandale «derrière les barreaux», que leurs biens soient confisqués, que leur bonus soient utilisés pour indemniser les victimes.

Tout en se réjouissant de l’annonce ces derniers jours d’une nouvelle loi pour innocenter et indemniser les postiers condamnés à tort, elle insiste que le gouvernement doit concrétiser cette promesse rapidement. «On doit montrer au monde qu’on est un pays développé, que le système fonctionne», dit-elle.

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