«Le monde après nous»: le roman noir qui aurait dû être une nouvelle

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Netflix«Le monde après nous»: le roman noir qui aurait dû être une nouvelle

Le film signé par le timonier de la série «Mr. Robot» a commencé par nous sidérer.

Jean-Charles Canet
par
Jean-Charles Canet
De gauche à droite, Mahershela Ali, Myha’la Herrold, Julia Roberts et Ethan Hawke.

De gauche à droite, Mahershela Ali, Myha’la Herrold, Julia Roberts et Ethan Hawke.

Jojo Whilden/NETFLIX

«Le Monde après nous» («Leave the World Behind») est un film Netflix tiré d'un best-seller publié pendant le confinement, réalisé par Sam Esmail, l'étonnant timonier de la série «Mr. Robot», avec Julia Roberts, Ethan Hawke, Mahershala Ali et Kevin Bacon. Excusez du peu... il fallait voir ça.

Eh bien, c'est fait, Le long métrage, que la chaîne de streaming vient d'ajouter à son catalogue, a été vu et bien vu. On ressort d'un visionnage de 2 h 20 essoré, lessivé et un tantinet terrorisé. Car que nous raconte «Le monde après nous»? Une forme d'apocalypse, tout simplement. Mais pas une apocalypse divine, irrationnelle ou fantastique, plutôt une forme de destruction de l'homme par l'homme, sans complot, sans manigances, sans génie.

Escapade non loin de New-York

Amanda et Clay, un couple américain, avec leurs deux enfants ado et préado, s'offrent une escapade non loin de New-York le temps d'un week-end. Ils ont loué une superbe maison non loin de la plage. Arrivés à destination, ils constatent des petites bizarreries: pas d'internet, pas de réseau téléphonique, pas de radio, pas de télévision. Sur la plage, ils profitent du sable chaud, non sans remarquer un pétrolier qui semble se diriger dans leur direction. Le navire ne manœuvre plus et s'échoue, alors que les plaisanciers sur la trajectoire n'ont d'autres choix que de s'écarter devant le colosse.

La bande-annonce du «Monde après nous».

YouTube/Netflix France

De retour, la nuit venue, ils reçoivent la visite d'un homme accompagné de sa fille. Ce dernier prétend être le propriétaire de la maison et demande un hébergement exceptionnel, indiquant n'être plus en mesure de rentrer à New-York. C'est à ce stade que l'homme suggère qu'un blackout est survenu suite à un piratage massif d'origine inconnue de toute l'infrastructure de communication. Commence pour les deux ménages isolés une cohabitation d'abord difficile, car bâtie sur la méfiance et ponctuée par des bribes d'informations déstabilisantes 

Mise en scène de premier plan

«Le monde après nous» sort incontestablement de l'ordinaire Netflix. Sa distribution exceptionnelle, sa direction d'acteurs et sa mise en scène (cadrage et mouvements d'appareil) sont l'œuvre d'un artiste en pleine possession de ses moyens. L'introduction de cette terrifiante fiction est aussi d'une rare efficacité, comme l'avait pu l'être la première saison de «Mr. Robot». Sam Esmail est incontestablement un metteur en scène de premier plan qui sait mettre ses spectateurs sur les charbons ardents.

Mais sa mise en place de dispositif est une fois de plus trop forte, trop efficace pour ne pas avoir de conséquences sur le développement et la conclusion. Dès les premières minutes, le film semble affirmer «attendez la suite, vous allez voir ce que vous allez voir». Et le même phénomène qu'avec «Mr. Robot» se produit. 

Le roman qui aurait dû être une nouvelle

Car le long métrage promet une envolée, mais s'enlise ensuite dans son procédé: un huis clos avec des tunnels dialogués et quelques grandes échappées parfois très spectaculaires. La durée de l'ensemble — largement plus de deux heures —  devient l'ennemi du principe. La conclusion, relativement ouverte et bâtie sur une pirouette, laisse sur une faim qui aurait été plus excusable dans l'hypothèse d'un choix d'ellipse et de concision.

«Le monde après nous» ne nous laisse pas moins une impression d'au moins un grand accomplissement: celui d'avoir rendu rendre plausible la coupure générale et brutale des canaux numériques modernes et d'en avoir imaginé les diverses conséquences cauchemardesques.

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