Électrocutée à la Neuveville: «On ne peut pas tourner la page de Claire»

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InterviewÉlectrocutée à la Neuveville: «On ne peut pas tourner la page de Claire»

Les parents de la conductrice de chien électrocutée tirent un trait sur le procès qui s'est conclu par la condamnation de six techniciens.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
Chez eux à La Neuveville, entre le vignoble et la forêt, Christiane et Robert «Robi» Schläfli sont unis dans l'épreuve.

Chez eux à La Neuveville, entre le vignoble et la forêt, Christiane et Robert «Robi» Schläfli sont unis dans l'épreuve.

lematin.ch/Vincent Donzé

Les parents de feue Claire cherchent un retour à la normale, après la condamnation de six techniciens pour homicide par négligence, suite au décès par électrocution de leur fille de 24 ans, de sa chienne Makani et de Miranda Birhal (53 ans), une passante qui leur a porté secours dans l'eau électrisée du lac de Bienne.

La procédure judiciaire a dépassé six ans, «un dixième de notre vie» comme ils disent. Au lendemain du verdict et de leur 43e anniversaire de mariage, Christiane et Robert Schläfli ont reçu lematin.ch chez eux, au coeur des vignes, devant un café:

Que vous apporte ce jugement?

Le procès nous a permis de nous exprimer sans rien nous apprendre. Ayant suivi toute la procédure, on savait d'avance ce qui allait se passer.

Y compris sur les responsabilités?

Oui, la juge a justifié ses décisions par des articles de loi, et pourtant, les deux acquittés restent coupables à nos yeux, le chef de service et celui qui a commandé le travail. Pour autant, aucun recours ne sera formulé.

Pourquoi avoir mentionné des «disfonctionnements politiques»?

Dans cette affaire, les premiers responsables sont deux politiciens qui voulaient toujours faire plaisir à tout le monde. Il suffisait d'aller chez un ou chez l'autre pour obtenir ce qu'on voulait.

 Ils n'ont pas été inculpés, qu'ont-ils fait faux?

Pour l'alimentation électrique du port d'à côté, un concept a été élaboré et un budget a été voté. Ici, cette procédure a été contournée.

Que dites-vous aux prévenus quand vous les croisez?

On dit bonjour, sans penser à ce qu'on dit...

Christiane, n'avez-vous pas serré des mains?

Après son acquittement, un prévenu qui m'évitait en faisant semblant de ne pas me voir m'a serré la main en souriant, l'air de dire: «Moi je m'en sors, je n'ai rien fait».

Robi, pourquoi avoir collé une bise à la juge?

Cette femme est sensationnelle! Avec une telle tâche technique, mais aussi émotionnelle, elle a fait son travail au mieux de sa conscience. Très humaine, elle nous a laissé parler pour nous faire remarquer ensuite que nos plaidoyers n'avaient rien à voir avec la justice suisse, quand on défendait notre fille.

Défendre votre fille... et empêcher une récidive?

Absolument, mais il s'agissait surtout pour nous d'évoquer la mémoire de notre fille: on n'avait pas le droit de nous la prendre, pas comme ça! Avec sa chienne, Claire réalisait des interventions dangereuses et bien sûr, on aurait pu la perdre. Sauf que dans un éboulement, en cherchant des personnes ensevelies, sa mort aurait été plus compréhensible, pas moins triste, mais plus admissible. On aurait été fier d'elle, alors que là, on a honte de ce qui est arrivé. Comment terminer sa vie comme ça quand on s'est donné tant de peine pour se rendre utile au sein de la société? 

L'accident du 17 mai 2017

À 11 heures, lors d'une promenade sur le quai au port de la Neuveville, la chienne de catastrophe Makani a basculé dans le lac de Bienne après avoir touché une barrière métallique électrifiée par un câble enfilé dans le tube inférieur pour alimenter une prise. Conductrice de chien militaire, sa maîtresse a été électrocutée à son tour en posant un pied sur une marche immergée, l'électricité de la barrière étant conduite dans l'eau par un ponton amovible, puis une passante d'origine hollandaise a subi le même sort en voulant leur porter secours.

Qu'est-ce qui vous tourmente?

Le plus dur, c'est que personne n'a tiré la sonnette d'alarme. Quand tu touches une barrière et que tu prends une secouée, tu le signales à la commune, non?

Quoi d'autre?

On vient nous dire qu'il faut tourner la page. Mais en tant que parents, on ne peut pas tourner la page de Claire! Ces phrases toutes prêtes font mal au coeur. Oublier, c'est impossible: on doit vivre avec.

Des regrets après ce procès?

Pendant toutes ces années, on aurait pu tout aussi bien nous occuper de nos petits-enfants et de nos enfants. Mais on ne regrette rien, la force manquait pour mettre de l'énergie ailleurs.

Leur fille Claire repose au cimetière de La Neuveville avec son chien Makani.

Leur fille Claire repose au cimetière de La Neuveville avec son chien Makani.

lematin,ch/Vincent Donzé

«Ce sont tous de bons gars, on les connaît, et j’espère que ça servira de leçon et que ça n’arrivera plus jamais. Eux vont retrouver leurs activités, mais nous n’allons pas retrouver notre fille», ont déclaré les parents de Claire à l'issue du jugement.

«Dans un pays où des sociétés travaillent pour envoyer des choses dans l’espace, avoir des installations électriques pareilles est juste inadmissible. Il faut que ça change», ont ajouté Christiane et Robert et Schläfli.

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