CommentaireFrance: de l'extrême droite à l'ultradroite
Comment une bagarre mortelle dans un petit village de la Drôme a mis la France sens dessus dessous.


Dans l'affaire Crépol, l'auteur du coup de couteau mortel n'a pas encore été identifié. (Image d'illustration)
GettyIl a fallu un coup de couteau, un seul mortel, pour que la France connaisse une de ces flambées polémiques dont elle est coutumière. Dans la nuit du 18 au 19 novembre, dans le village de Crépol dans la Drôme, le jeune Thomas, 16 ans, joueur de rugby, a été tué à l'arme blanche lors d'une fête de village. Celle-ci a dégénéré en bagarre générale avec des jeunes venus de la commune voisine de Romans-sur-Isère.
Aujourd'hui encore, l'identité de la personne qui a porté le coup fatal n'est pas claire. Deux suspects sont en garde-à-vue, dont un mineur au prénom «historiquement français» selon les autorités. Il est important de préciser l'origine du patronyme car, aussitôt commis, le crime a été imputé à des ressortissants non-français venus d'un quartier de Romans-sur-Isère.
Une semaine plus tard, des militants de «l'ultradroite» manifestaient dans cette commune et à Lyon. Vendredi dernier, quelque 200 d'entre eux, réunis sous la bannière des «Natifs» avaient rejoint Paris pour manifester sur la place du Panthéon, soulevant l'indignation du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Une nouvelle appellation est ainsi apparue dans les médias français depuis deux semaines. À l'extrême droite s'ajouterait ainsi une «ultradroite», qui sonne comme un mouvement encore plus radical, qui a appelé dès le lendemain du crime à venger le jeune Thomas.
Cette histoire est très révélatrice de la tension permanente qui règne en France et qui peut transformer un fait divers en affaire nationale. Comme la mort du jeune Nahel, 17 ans, abattu à fin juin dernier à Nanterre par un policier pour un refus d'obtempérer, avait provoqué des émeutes et des pillages. Avec Thomas, les camps sont en quelque sorte inversés.
En réalité, l'ultradroite et l'extrême droite recouvrent les mêmes milieux. Le premier terme est utilisé par les forces de police et la préfecture pour désigner ces mouvements. Le second relève de la classification politique du Ministère de l'Intérieur, qui qualifie ainsi les partis officiels, que sont le Rassemblement National ou Reconquête sur l'échiquier politique.
Malgré tout, dans l'opinion publique, l'utilisation de ces terminologies différentes n'a pas le même impact. L'ultradroite s'affiche comme une milice décomplexée, qui veut s'affranchir du cadre légal, d'où la menace sécuritaire qu'elle représente. L'extrême droite se veut légaliste, et minimise ces électrons identitaires: «C'est donner du crédit à une menace qui n'existe pas», a déclaré finalement Marion Maréchal, la tête de liste de Reconquête pour les élections européennes.