Le tueur au sous-marin interdit de nouvelles rencontres

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DanemarkLe tueur au sous-marin interdit de nouvelles rencontres

Peter Madsen, qui a sauvagement assassiné une journaliste dans son submersible, conteste une loi qui le prive de nouveaux contacts.

Peter Madsen lors de son sauvetage après le naufrage de son sous-marin. On ignorait alors qu'il y avait assassiné Kim Wall.

Peter Madsen lors de son sauvetage après le naufrage de son sous-marin. On ignorait alors qu'il y avait assassiné Kim Wall.

AFP

Il a interdiction de nouer des contacts avec des personnes qu’il ne connaissait pas avant sa condamnation à la perpétuité: le prisonnier le plus célèbre du Danemark poursuit l’État pour atteinte à ses libertés fondamentales dans un procès dont le jugement est attendu jeudi.

Condamné pour avoir sauvagement tué en 2017 la journaliste Kim Wall dans son sous-marin artisanal, Peter Madsen estime que la loi qui interdit aux détenus à vie d’échanger, pendant les dix premières années de leur peine, avec des personnes qu’ils ne connaissaient pas avant leur condamnation, viole son droit à la vie privée, tel qu’il est protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il y a six ans, son crime avait ébranlé le placide Danemark, un pays parmi les plus sûrs au monde. Quelques années plus tard, l’opinion s’était insurgée quand une très jeune femme avait révélé être tombée sous son charme, dans un premier temps par voie épistolaire, ce qui avait précipité la nouvelle législation, unique en Europe, en vigueur depuis 2022.

«Quand la proposition a été présentée au Parlement, les débats le ciblaient directement», note auprès de l’AFP son avocat Tobias Stadardfeld Jensen, soulignant que la loi s’applique à chaque condamné à la perpétuité.

Pour la professeure de criminologie à l’Université du Danemark du Sud, Linda Kjaer Minke, l’action en justice de Peter Madsen a de solides bases juridiques. «La loi peut être une violation de l’article huit de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cet article déclare que tout le monde a le droit au respect de sa vie privée et familiale et de sa correspondance», explique-t-elle.

Son crime éclipse la législation

Pour cette juriste et sociologue, «la loi ne devrait pas limiter les droits des prisonniers en général pour protéger un petit nombre de femmes qui ont sans doute besoin d’aide et de soutien». Elle estime «dommage» que Peter Madsen soit le premier condamné à vie à contester la loi devant les tribunaux. «Dans le débat public, son crime éclipse le caractère invasif de cette législation et le fait que l’État danois est peut-être allé trop loin», déplore-t-elle.

Pour l’avocat, l’issue du procès permettra de déterminer «si, en tant que société, nous respectons les principes décrits dans les conventions internationales ou si nous nous contentons de satisfaire l’opinion publique qui estime que Peter Madsen devrait être puni encore plus sévèrement que quiconque». Il est formel: Peter Madsen, désormais âgé de 52 ans, n’a peu ou prou aucun contact avec le monde extérieur depuis l’entrée en vigueur de cette loi, et il a été condamné en juin pour y avoir contrevenu en échangeant quatre lettres.

«Une jeune femme a développé des sentiments pour lui»

«C’est une coïncidence que ceux qui cherchent son contact soient des femmes», insiste Stadardfeld Jensen, qui affirme que les échanges ont surtout trait aux fusées, la passion première de l’ancien inventeur. Un seul a un caractère romantique. «Une jeune femme a développé des sentiments pour lui», admet-il. Quatre femmes étaient présentes à l’audience, a relevé l’unique journaliste sur place début novembre.

«Ce n’est pas un droit de l’Homme que de se faire de nouveaux amis ou d’avoir des rencards quand on est en prison pour des crimes violents et bestiaux», insiste auprès de l’AFP le ministre de la Justice, Peter Hummelgaard. «L’objectif de la loi est, entre autres, de mettre fin à la répétition d’exemples antérieurs de détenus contactant des jeunes et les attirant dans leurs filets afin de gagner leur sympathie et leur attention», souligne-t-il.

«C’est un homme qui sait que ce qu’il a fait est très brutal et il n’a aucune sympathie pour lui-même», assure pour sa part son conseil. «Pour lui, c’est très important d’avoir quelqu’un à contacter».

Brillante journaliste de trente ans, Kim Wall a été tuée en août 2017 à bord du sous-marin construit par Peter Madsen, un inventeur à la réputation alors fantasque dont elle voulait faire le portrait.

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