L'appel au grand pardon de l'Abbaye de Saint-Maurice

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Abus dans l'EgliseL'appel au grand pardon de l'Abbaye de Saint-Maurice

Un seul chanoine est venu jeudi s'amender et s'expliquer sur les cas d'abus dans l'institution. « On a fermé un œil », a-t-il reconnu.

Eric Felley
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Eric Felley
Antoine Salina

Antoine Salina

Eric Felley/lematin.ch

Pardon, pardon, pardon et encore pardon. Voilà en substance le message qu'a délivré jeudi après-midi l'Abbaye de Saint-Maurice à la suite des révélations sur les multiples abus sexuels commis en son sein depuis des dizaines d'années.

Les journalistes étaient nombreux à avoir répondu présent à la conférence de presse tenue à la grande salle du Parc à Bex. La première surprise a été de constater qu'un seul chanoine s'était déplacé, Antoine Salina, neveu de feu Monseigneur Henri Salina, et mandaté par ses confrères du chapitre. Sa parole étant donc celle de tous les autres.

10 dossiers

C'est peu dire que l'émission de «Mise au Point» sur la RTS dimanche dernier a remué le petit monde tranquille de l'Abbaye, qui compte encore 28 religieux. Certes, depuis le 12 septembre et la publication du rapport de l'Université de Zurich sur les abus sexuels dans l'Eglise catholique, les milieux concernés sont tendus. La prestigieuse Abbaye de Saint-Maurice semblait devoir passer entre les gouttes, mais l'enquête de «Mise au Point» a compilé 9 dossiers problématiques, auquel s'est ajouté un dixième après une auto-dénonciation vendredi dernier concernant le Jura.

Antoine Salina a demandé « pardon pour les victimes de certains confrères au fil des temps ». Il y a ajouté un pardon pour les fidèles, les collégiens, les professeurs, le personnel et même les autorités valaisannes. Preuve de bonne foi, il a précisé que la direction de l'Abbaye a mis à disposition de la justice tous les chanoines pour participer à l'enquête diligentée par le procureur valaisan Nicolas Dubuis, qui a envoyé la police mardi pour saisir des documents à Saint-Maurice.

«Une injustice terrible aux victimes»

Concernant les abus sexuels, le chanoine a rappelé qu'il y avait eu une « rapide évolution des mentalités » ces dernières années : « Mais, pendant trop longtemps, dans l'Eglise, nous nous sommes contentés de demi-mesure. On a fermé un œil, déplacé des confrères, évité de faire des vagues ou fait de petits arrangements ». Il a évoqué aussi le cas de confrères avec des profils « pathologiques », qui avaient un « comportement déviant avéré » et qu'on a déplacé « en étalant de la gangrène ». Et de soupirer : « On a fait une injustice terrible aux victimes ».

Abbaye décapitée

« Nous sommes tous éprouvés », a-t-il répété au sujet de sa confrérie. L'Abbaye est aussi décapitée. Le Père Abbé Jean Scarcella s'est retiré le 13 septembre à la suite d'une accusation d'abus contre lui directement à Rome. Le prieur Roland Jacquenoud, qui devait assurer l'intérim, s'est également retiré après l'émission de « Mise au Point », qui a mis en évidence un dérapage personnel au début des années 2000. Cela dit, ce dernier a voulu préciser, par l'intermédiaire de son confrère, qu'à aucun moment « il n'avait eu une relation non consentie » de sa part avec quiconque et encore moins avec un mineur. 

Pour l'instant, tant que Rome n'a rien décidé, les deux hommes gardent formellement leur fonction, même s'ils sont en retrait. Pour les affaires courantes, c'est le conseil responsable de l'Abbaye qui gère. Mais, avec tout le battage fait ces derniers jours autour de l'Abbaye, il se pourrait bien que d'autres histoires remontent à la surface. « Je le sens…, je sais, je présume ou j'imagine que d'autres cas sont encore à venir... » a supputé Antoine Salina. Qui trouve toutefois que le tableau est déjà « assez accablant ».

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