Joseph Gorgoni: «Le rire sauve de tout»

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InterviewJoseph Gorgoni: «Le rire sauve de tout»

Il y a trois ans, l'humoriste a été plongé dans un coma de 42 jours. Aujourd'hui, il revient en grande forme pour fêter les 30 ans de Marie-Thérèse Porchet.

Fabio Dell'Anna
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Fabio Dell'Anna
Joseph Gorgoni, 57 ans, entamera sa tournée «Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans (de carrière)» le 30 novembre prochain.

Joseph Gorgoni, 57 ans, entamera sa tournée «Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans (de carrière)» le 30 novembre prochain.

Nathan Hausermann

Joseph Gorgoni est de retour de Paris lorsqu'il nous parle au téléphone mercredi dernier. «C'est ma deuxième ville. J'ai beaucoup d'amis là-bas et j'ai envie d'y retourner bientôt», dit-il. Et pourquoi pas pour y jouer son nouveau spectacle, «Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans (de carrière)». D'une voix émue, il décrit les cinq shows complets à l'Olympia et les «belles lettres rouges à l'entrée de la salle». «Un des meilleurs souvenirs de ma vie», confie-t-il.

Avant que ce rêve se réalise peut-être à nouveau, il traverse la Suisse romande dès le 30 novembre pour raconter les nouvelles péripéties de notre quinqua fan de Tupperware préférée. Quel bonheur de retrouver ce personnage alors qu'on a failli perdre son interprète, il y a trois ans. Joseph Gorgoni a en effet subi une transplantation des poumons pour cause de fibrose aiguë et des complications liées au Covid. Il est resté plus de quarante jours dans le coma. Depuis, il a sorti une autobiographie et créé un show «TransPlanté» qu'il continue de jouer les prochains mois. «Je me suis assez reposé. Place au travail», s'exclame-t-il.

Joseph Gorgoni, pour commencer, comment allez-vous?

Mieux. Franchement, j'ai beaucoup de chance. On m'avait mis dans le coma, il y a trois ans presque jour pour jour. C'était le 21 novembre 2020. Aujourd'hui, je viens de sortir un livre intitulé «TransPlanté» et un nouveau spectacle arrive. Tout va bien.

Votre prochain show s'intitule «Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans». Est-ce qu'elle fait enfin son âge?

(Rires.) Il ne faut pas lui dire ça. En revanche, on peut dire que j'ai l'âge du rôle maintenant. Mais Marie-Thérèse, elle, ne change pas. Elle est un peu comme Tintin... Ou plutôt la Castafiore. Elle reste figée dans le temps et aura toujours 50 ans.

Dites-nous en plus sur ce spectacle?

Marie-Thérèse n'est pas très contente. On ne parle plus que du chauve qui a été malade (ndlr.: Joseph Gorgoni, donc). Ça l'agace. On compare ensuite les situations d'il y a trente ans avec celles d'aujourd'hui. On voit par exemple l'évolution de la Lopez, de son fils et du mien, Christian-Christophe...

«Marie-Thérèse est toujours un petit peu raciste, toujours un petit peu homophobe. Aujourd'hui, ça lui retombe dessus»

Joseph Gorgoni, humoriste

Votre métier a également changé en trente ans, n'est-ce pas?

L'humour change. Heureusement, d'ailleurs. En même temps, c'est très spécial avec Marie-Thérèse. On peut encore se permettre de dire des choses avec elle. Quand on écrit, évidemment, on fait super gaffe à ne pas choquer les gens. Mais Marie-Thérèse est toujours un petit peu raciste, toujours un petit peu homophobe et maintenant ça lui retombe dessus. Elle a accepté que son fils était gay et, désormais, il transitionne. Elle l'accueille et elle l'accepte.

Comment est né le personnage de Marie Thérèse Porchet?

La première apparition, c'était à la Revue genevoise, en 1993. À cette époque, il fallait appeler le 111 pour les renseignements téléphoniques et cela coûtait passé 2 francs la minute. Pierre Naftule en avait fait un sketch. Pour le personnage, je faisais cette voix depuis presque toujours. J'imitais beaucoup les femmes du bureau dans lequel je travaillais. Je gagnais de l'argent pour me payer des cours de danse et ma cheffe m'a beaucoup inspiré. Jacqueline (ndlr.: la meilleure amie de Marie-Thérèse Porchet) a ce prénom, car je surnommais l'un de mes amis ainsi. Jamais je n'aurais imaginé que je répondrais encore à des questions sur Marie-Thérèse trente ans plus tard.

En tant qu'homme, était-ce facile à cette époque de jouer un personnage féminin?

Oui. Je ne sais pas pourquoi, mais Marie-Thérèse existe vraiment dans la tête des gens. En plus, je ne me suis pas montré pendant les premières années. Il y avait un mystère autour de ce personnage. Les spectateurs disaient: «C'est un homme? C'est une femme? On ne sait pas!» Peut-être que la grande majorité qui n'est pas OK avec le fait que je sois gay et que je joue une femme s'est attachée à Marie-Thérèse, car c'est une dragqueen pas très jolie, drôle et un peu vieillotte. Je ne sais pas. 

Que représente Marie-Thérèse Porchet pour vous?

Je sais qu'elle n'existe pas, je ne suis pas complètement schizo. (Rires.) Mais c'est grâce à elle que je suis là depuis trente ans. Elle m'a permis de réaliser un rêve. Je n'imaginais pas que je ferais de l'humour, mais je savais que je serais sur une scène. La scène est ma vie. Et quand on a l'impression d'avoir trouvé ce qui nous correspond parfaitement, c'est extraordinaire. Sans parler de l'affection que me porte le public. C'est fou.

Vous vous êtes réveillé du coma le 31 décembre 2020. Trois ans plus tard, la veille du Nouvel-An, vous serez à Lausanne avec votre spectacle. Il était important pour vous de travailler ce jour-là?

J'aime tout simplement bien travailler le 31 décembre. Je suis vieux maintenant, mais, à l'époque, je sortais beaucoup. La veille de l'an, il y a toujours des ambiances un peu particulières dans les boîtes ou les restos. Je n'aime plus tellement faire ça. Donc, je suis très content d'être à la salle Métropole avec plein de copains de Paris qui vont venir. En plus, cela me donne une bonne excuse pour me sauver des situations délicates: «Ah désolé, je ne peux pas venir. Je travaille.» (Rires.)

«Je parle de mon drame avec un certain détachement comparé à l'an dernier. J'arrive à mentionner cette période sans m'effondrer toutes les deux minutes»

Joseph Gorgoni, humoriste

Finalement, vous ne vous arrêtez plus de travailler.

Je souffle quand même un peu. Évidemment, les poumons ne sont pas tout à fait les mêmes. Et puis j'ai 57 ans. Quoi que je fasse, c'était mieux au niveau du physique il y a vingt ans. (Rires.) Mais je crois que personne ne s'en rend compte sur scène.

Vous continuez aussi de tourner avec «TransPlanté». Après plusieurs représentations, vous confirmez qu'il s'agit de votre show le plus personnel?

On peut dire ça, oui. C'est tellement horrible tout ce qui m'est arrivé. Lorsque j'ai réalisé que je pouvais m'en sortir, je me suis dit qu'il fallait que je le raconte sur scène. Ce n'est pas du tout une psychothérapie, mais ça m'a fait un bien fou de pouvoir dire tout ça et de voir les gens en rire. Il y a eu une espèce de folie autour de ce spectacle. C'était incroyable. Forcément, quand on évoque la mort, les gens sont un peu émus. Mais je suis content d'avoir réussi à créer un show dans lequel on parle de ce sujet de manière un peu détachée. Cela m'a toujours sauvé.

Les rires ont soigné vos maux?

Oui, depuis toujours. Je suis né en 1966, donc j'ai vécu le sida de manière presque intime. C'est tellement horrible qu'au bout d'un moment, tu te dis: «Putain, si on n'arrive pas à souffler et à se détacher de ça pour rire un peu, on meurt.» Le rire, ça sauve de tout.

Vous gardez des séquelles de ce qui s'est passé il y a trois ans?

J'y pense tous les jours, car je dois prendre des médicaments à vie. Mais je les supporte très bien. Cette histoire me paraît impossible, tellement elle est incroyable: la transplantation, le coma de 42 jours et la mucor (ndlr.: un champignon mortel). En écrivant le livre, je me suis replongé dans ces souvenirs. J'arrive enfin à mentionner cette période sans m'effondrer toutes les deux minutes. C'était si affreux qu'il y a certaines choses que j'ai presque oubliées. Un peu comme les femmes qui accouchent et qui parviennent à oublier la douleur.

Pourquoi avoir sorti une autobiographie?

C'est vrai que je suis un peu jeune pour écrire une autobiographie. Cela fait trente ans que les gens me connaissent et c'est l'occasion de se poser un peu pour raconter d'autres choses que juste la maladie. Ce processus d'écriture ne m'a pas du tout rendu nostalgique. Au contraire, c'est beau de voir tout ce que l'on a réalisé et de le partager avec les personnes qui m'aiment bien.

Quelle est l'une de vos plus grandes fiertés?

C'est Florian, avec qui je suis depuis vingt-trois ans maintenant. C'est fou.

Vous vous êtes pacsé et aviez annoncé en 2021 que vous n'hésiteriez pas à vous marier. Avez-vous passé le cap?

On a fait le partenariat enregistré il y a une dizaine d'années. On n'a pas encore fait l'équivalence, mais on va sans doute le faire. 

Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans de carrière dès le 30 novembre dans toutes la Suisse romande.

Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans de carrière dès le 30 novembre dans toutes la Suisse romande.

Jokers Comedy

«Marie-Thérèse Porchet fête ses 30 ans (de carrière)» à partir du 30 novembre au Théâtre Hameau Z’arts de Payerne et ensuite partout en Suisse romande.Billets et informations sur le site internet.

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