Bande dessinéeGaston est de retour pour la gaffe de trop
Le héros de Franquin renaît plus de 20 ans après son dernier album. Le trait y est. L'esprit, non.
- par
- Michel Pralong
Fallait-il faire renaître Gaston Lagaffe? La question s'est posée même en justice, puisque la fille de Franquin, qui détient les droits moraux de l'œuvre de son père, s'opposait au projet des éditions Dupuis, qui ont les droits éditoriaux du personnage. La balance a penché en faveur de ces dernières et, après un retard dû à cette procédure, le 22ᵉ Gaston Lagaffe sort ce 22 novembre.
22 v'la Lgaffe, donc! Dont les nouvelles aventures sont désormais entre les mains non plus d'un Belge, mais d'un Québécois: Delaf. Le bonhomme a du talent puisqu'avec sa compagne Dubuc, ils sont les auteurs de la formidable série à succès «Les Nombrils».
Un dessin très ressemblant
Delaf le dit: il a fait de la BD grâce à Gaston qu'il a tant aimé enfant et, lorsqu'on lui a proposé Lagaffe, il a cru rêver. Pas question de remettre en doute un seul instant sa sincérité et, niveau dessin, il a planché, c'est le cas de le dire. On est très très proche du Gaston de la dernière époque.
Côté univers, Delaf est allé rechercher à peu près tous les personnages de la série et bon nombre d'inventions aussi, du Gaffophone au Gaston Latex. Gaston était un précurseur, écologiste et procrastinateur avant l'heure. Donc évidemment, cela reste, sauf qu'avant il était moderne, maintenant juste actuel.
Delaf est allé chercher tous les ingrédients qui font Gaston Lagaffe. Sauf un: le génie de Franquin. Ses gags ne sont pas nuls, mais souvent plats. On cherche la pépite et on ne la trouve que trop rarement, comme dans ces séries à rallonge telles «Les femmes en blanc» ou «Pierre Tombal»: brillantes au début, mais lassantes à force de tirer sur les mêmes ficelles. Ce n'était pas le cas de Gaston. Dans ses albums, dont le dernier est paru à titre posthume en 1999, deux ans après la mort de Franquin où celui-ci a presque toujours atteint la perfection.
Une ombre dans une série parfaite
Et c'est en ça que reprendre ce héros peut être dommageable, moralement, plus qu'éditorialement. Cela fait une ombre à l'œuvre de Franquin, sans tache jusqu'ici. Ce «Retour de Lagaffe» n'a rien de honteux, il se lit et donne même quelque plaisir en retrouvant ces personnages. Mais si Gaston nous manque, autant replonger dans les anciens albums. Évidemment, pour Dupuis qui a tiré cette nouveauté à 800 000 exemplaires, c'est moins profitable.
À notre avis, et Demesmaeker le sait bien, le contrat n'est pas rempli avec cette reprise de Lagaffe. Rogntudjuuuu! Mais pour vous faire votre avis, vous pouvez lire les premières pages aux éditions Dupuis.