La justice suisse rejette la requête d’une ONG pour plus de transparence dans l’or
Mercredi, la Société pour les peuples menacés (SPM) n'a pas eu gain de cause face au Tribunal fédéral.
La justice suisse a rejeté mercredi la requête d’une ONG qui exigeait davantage de transparence sur les importations d’or dans le pays, alors que les raffineries suisses traitent à elles seules environ les deux tiers de l’or mondial.
Le Tribunal fédéral, la plus haute cour de justice en Suisse, a rejeté un recours de la Société pour les peuples menacés (SPM), une ONG basée à Berne, qui souhaitait que les statistiques du commerce extérieur fournissent des détails sur la provenance de l’or importé en Suisse ainsi que sur les fournisseurs et les volumes.
«Nous sommes très déçus», a confié Christoph Wiedmer, codirecteur de l’ONG, lors d’un entretien avec l’AFP.
«Le Tribunal fédéral a raté une opportunité d’apporter plus de transparence à ce qui est une activité assez opaque», a-t-il affirmé, estimant que ce manque de transparence constitue «un risque important» pour la réputation de la Suisse.
Dans les mois suivant l’invasion de l’Ukraine, le pays alpin s’était trouvé sous pression lorsque l’agence Bloomberg avait révélé que trois tonnes d’or provenant du Royaume-Uni, mais originaires de Russie, étaient mystérieusement entrées en Suisse, sans qu’il soit possible d’identifier l’importateur.
Plus récemment, Valcambi, la plus grosse raffinerie helvétique, a quitté l’Association suisse des fabricants et commerçants de métaux précieux – l’organisation professionnelle qui représente les intérêts du secteur – en raison d’un désaccord autour des importations d’or en provenance de Dubaï.
Dans un communiqué, cette association a indiqué qu’elle n’était «pas partie à la procédure» mais qu’elle accueillait «avec satisfaction la décision du Tribunal fédéral».
Si elle est «favorable à une transparence accrue» et «à un dialogue constructif avec les ONG», l’association diverge sur «les modalités» à mettre en oeuvre, a-t-elle dit. Elle milite plutôt en faveur «d’un renforcement du rôle du Bureau central du contrôle des métaux précieux». Elle souhaite aussi un «renforcement des sanctions à prendre en cas de manquement», a ajouté son président, Christophe Wild, cité dans le communiqué.
Aller au-delà du pays d’origine
La SPM avait demandé en 2018 à connaître les noms des sociétés qui expédient de l’or en Suisse. Les grandes raffineries s’y étaient opposées et avaient saisi le Tribunal administratif fédéral, qui avait tranché en leur faveur, jugeant que les informations demandées étaient couvertes par le secret fiscal.
L’ONG avait alors déposé un recours auprès du Tribunal fédéral, qui a néanmoins rejeté sa demande mercredi, également en raison du secret fiscal, a précisé le codirecteur de la SPM à l’AFP.
«Nous sommes assez stupéfaits que notre requête soit rejetée sur la base du secret fiscal», a souligné M. Wiedmer, car «nous avions uniquement demandé (des informations) sur les quantités et noms des négociants, producteurs et acheteurs». La demande ne portait pas sur des indications chiffrées ou des montants, «comme les coûts ou la valeur», a-t-il détaillé.
Connue pour ses lingots, la Suisse abrite quatre des plus grandes raffineries d’or au monde. L’or traité dans ces raffineries est destiné aussi bien à la bijouterie et l’horlogerie qu’aux composants électroniques.
L’ONG souhaitait que les statistiques apportent des détails sur la provenance de l’or, pas uniquement le pays d’origine, mais aussi des indications concernant les fournisseurs. Pour disposer de davantage d’informations et de précisions allant au-delà du seul pays d’origine.
«Dans les informations des douanes dont nous disposons actuellement, il y a seulement le pays d’origine», a regretté M. Wiedmer, en expliquant pourquoi l’ONG souhaitait davantage de détails.
«Au sein même d’un pays, il y a de bons producteurs et de très mauvais producteurs», a-t-il noté. Or, les données actuelles peuvent «par exemple», signaler que l’or provient «du Pérou», sans qu’il soit possible de savoir s’il vient d’un fournisseur de «bonne réputation» ou d’un «très mauvais» producteur écoulant «de l’or qui vient d’Amazonie».