Bande dessinéeAvec la guerre, il faut plus que jamais lire «Le chat du rabbin»
Dans sa série où il s'interroge sur ses racines juives, Joann Sfar parle surtout de paix entre les peuples.
- par
- Michel Pralong
En 2001, Joann Sfar se met à imaginer un étrange conte: l'histoire du chat d'un rabbin d'Alger, au début du XXe siècle, qui se met à parler après avoir mangé le perroquet. Ses aventures tragi-loufoques sont surtout l'occasion de s'interroger, souvent à travers les questions iconoclastes du félin, sur le judaïsme, Dieu, les religions en général et leurs relations entre elle.
Et 22 ans plus tard, avec ce tome 12 qui vient de sortir, «La traversée de la mer Noire», l'auteur poursuit sa quête de compréhension de l'humanité, avec une intelligence exceptionnelle et une volonté de paix admirable. Même si, dans cet album, il y est question de guerre. Sfar aborde en effet un épisode peu connu. Au lendemain de la première guerre mondiale, pour de nombreux soldats français, surtout venus des colonies, le combat n'est pas fini. Pour contrer le bolchévisme, Clemenceau envoie un contingent pour mettre Odessa sous protectorat français.
L'intervention française à Odessa
Œuvrant d'abord comme rabbin dans les tranchées de la Première guerre mondiale, notre héros se retrouve en Russie, avec en revanche un autre chat, qui n'a pas la parole. Ce conflit est marqué par un nombre considérable de belligérants et par des massacres épouvantables qui ne sont pas sans faire écho à ceux du XXIe siècle. Mais là encore, dans l'horreur, la haine et le cynisme politique, Sfar cherche ce qui nous lie, ce qui nous unit, bref ce qui peut nous donner l'espoir. Ce n'est pas plus une religion qu'une autre, c'est la volonté de certains de comprendre: comprendre le monde qui les entoure, comprendre qui est l'autre. Et cela, Sfar le fait mieux que beaucoup d'autres. Il dit aussi qu'il faut lire des livres. Ajoutons que Sfar fait un bien fou en ces temps sombres où les vieilles haines sont attisées de manière insensée.
Et quand on ne lit pas Sfar, il n'est pas inutile non plus de l'écouter, comme lors de ce magnifique discours en prélude de «La grande librairie».