Réchauffement climatique: le cycliste Guillaume Martin culpabilise

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CyclismeRéchauffement climatique: la culpabilité de Guillaume Martin

Le coureur français, qui participera à son septième Tour de France, avoue ne pas être à l’aise en pratiquant son sport, qui promeut les mobilités douces, mais contribue aussi au réchauffement climatique.

Guillaume Martin, ici lors du Critérium du Dauphiné, ressent «une forme de culpabilité».

Guillaume Martin, ici lors du Critérium du Dauphiné, ressent «une forme de culpabilité».

AFP

Guillaume Martin (30 ans), qui participera avec Cofidis à son septième Tour de France (8e en 2021) à partir de samedi, avoue, dans un entretien à l’AFP, «une forme de culpabilité» en pratiquant son métier qui promeut les mobilités douces, mais contribue aussi au réchauffement climatique.

Guillaume Martin, qui dit vélo, dit mobilité douce. Pourtant, les courses comme le Tour de France polluent. Comment vivez-vous ce paradoxe?

Personnellement, je n’arrive pas à faire l’économie d’une forme de culpabilité. Parce que je sais que mon métier et mon plaisir ont des répercussions qui sont contraires à mes idéaux, et à ce que je pense nécessaire pour le bien de la planète. Finalement c’est le type de dilemme qu’on vit tous. On a des téléphones, mais on ne sait pas exactement comment ils sont fabriqués et quel chemin ils ont parcouru.

Le changement climatique, vous êtes bien placé pour le vivre?

Je me souviens d’une étape sur la Vuelta où mon compteur affichait une moyenne de 38 degrés sur la journée, alors qu’on était en montagne. Déjà, je ne suis pas certain que le sport de haut niveau soit bon pour la santé. Mais quand il y a des pics de pollution et que tu entends à la radio qu’il ne faut surtout pas faire d’activité à l’extérieur, alors que nous on fait des courses à fond... Parfois j’ai l’impression de participer à ce côté «du pain et des jeux».

«J’en ai encore vu un l’autre jour qui jetait son bidon en pleine nature. Ça m’a rendu fou!»

Guillaume Martin, coureur de Cofidis

Que peut faire le monde du cyclisme?

Les curseurs sont loin d’être poussés au maximum. Je pense qu’il est possible de réduire le nombre de véhicules en course. Au niveau du calendrier, on peut davantage rapprocher les courses géographiquement. C’est sûr que ça va déstabiliser certains organisateurs qui ont leur date historique, qui correspond peut-être à la fête du village à côté. Mais à un moment donné, il faut prendre la mesure de l’enjeu actuel.

Et les coureurs?

J’en ai encore vu un l’autre jour qui jetait son bidon en pleine nature. Ça m’a rendu fou!

Y a-t-il une prise de conscience quand même dans le peloton?

Oui. On est sensibilisés au sein des équipes, par les organisateurs et l’UCI (Union cycliste internationale). Je ne suis pas le seul à avoir ces préoccupations. Par exemple, Michael Woods (ndlr: un coureur canadien) compense son empreinte carbone.

Et vous?

J’essaie plutôt de réduire. J’embête les secrétaires de l’équipe pour prendre un train quand c’est possible. Car le réflexe, c’est de prendre l’avion. J’essaie aussi de réduire les déchets. En course, c’est compliqué. Mais à l’entraînement je me prépare des gâteaux de riz et je réutilise les emballages. Et je m’arrête à la boulangerie. Ce sont des petites choses.

«Il y aura une pression de plus en plus importante d’organisations militantes, comme on a pu le voir l’an dernier»

Guillaume Martin, coureur de Cofidis

Les organisateurs de courses comme le Tour de France bougent-ils suffisamment?

ASO intègre de plus en plus de véhicules électriques dans sa flotte. Après, il faut aussi être conscient que c’est une machine énorme et que ce n’est pas facile de changer en un claquement de doigts. Mais je pense qu’il y aura une pression de plus en plus importante d’organisations militantes, comme on a pu le voir l’an dernier. Ce genre d’actions va se répéter. Parce que, qu’on le veuille ou non, le Tour de France peut être le reflet de certaines dérives.

Est-ce que le risque, c’est qu’on doive un jour arrêter les événements sportifs?

Oui. Le sport moderne est apparu à la fin du XIXe siècle, à la suite des révolutions industrielles, à une époque où, d’ailleurs, le réchauffement climatique a commencé. Les machines ont beaucoup réduit la fatigue humaine. Le sport a été inventé pour répondre au besoin de continuer à exister par le corps. Mais c’est une dépense gratuite. Après, heureusement que l’humain a aussi cette capacité à faire des choses gratuitement. C’est le cas pour l’art, et je pense que le sport est une forme d’art. Le Covid a introduit la notion d’activités essentielles et non essentielles. J’espère qu’on n’en arrivera pas au point où on sera obligé, de par la situation, de se concentrer uniquement sur l’essentiel.

(AFP)

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