Droits LGBT  – «Un moment historique pour la Tunisie»

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Droits LGBT«Un moment historique pour la Tunisie»

Un pourvoi en cassation a été déposé jeudi pour abroger la loi tunisienne qui criminalise l’homosexualité avec des peines jusqu'à trois ans de prison.

Selon une ONG tunisienne défendant les droits LGBT, «il y a 150 personnes incarcérées pour homosexualité» actuellement dans le pays.

Selon une ONG tunisienne défendant les droits LGBT, «il y a 150 personnes incarcérées pour homosexualité» actuellement dans le pays.

Getty Images/iStockphoto

«Un moment historique pour la Tunisie». Un groupe d’avocats, militants des droits humains et de la communauté LGBT ont déposé jeudi un pourvoi en cassation pour faire annuler deux condamnations pour homosexualité, dans un pays où elle est encore punie de peines de prison. Il s’agit du tout premier pourvoi en cassation contre la loi sur l’homosexualité (punissable jusqu’à trois ans de prison) dont ses promoteurs espèrent qu’il sera suivi d’autres qui feront jurisprudence.

Deux hommes, qui ont purgé un an de prison ferme après leur condamnation en juillet 2020, vont en cassation pour s’opposer à «une sentence cruelle et qui va à l’encontre des standards internationaux», a expliqué leur avocate, Hassina Darraji, devant la presse après avoir déposé le recours.

«Créer un précédent»

«Notre but c’est faire tomber l’article 230» du code pénal datant de l’époque coloniale qui criminalise l’homosexualité. «Il s’agit d’une bataille judiciaire et humaine», a-t-elle dit. Même si cela pourrait prendre «plusieurs mois», ses clients veulent «créer un précédent en faisant annuler leur condamnation.»

A propos de «l’affaire du Kef», région du nord-ouest où se sont produits les faits, Mme Darraji a fustigé un «dossier complètement vide» et a dénoncé une condamnation prononcée à cause de leur refus de se voir pratiquer un test anal, ce qui a été considéré comme une preuve de leur culpabilité.

«Forme de torture»

L’avocat Lotfi Ezzedine, un responsable de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT), a apporté le soutien de cet organisme indépendant, au recours en Cassation qu’il a qualifié d'«affaire emblématique et stratégique pour la Tunisie. Notre position claire et ferme est le refus du test anal et sa condamnation comme une forme de torture», a-t-il dit, rappelant que la Tunisie s’est engagée en 2017 à l’abolir devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Des activistes et des avocats des droits humains demandent la décriminalisation de l’homosexualité en Tunisie, le 15 décembre 2021.

Des activistes et des avocats des droits humains demandent la décriminalisation de l’homosexualité en Tunisie, le 15 décembre 2021.

AFP

Article de loi à abolir

En soutenant le pourvoi en cassation, l’INPT souhaite «l’ouverture d’un débat», et à terme, l’abolition de l’article 230 qui criminalise «un choix sexuel entre adultes». «Le jour où nous aurons un Parlement, ce sera un des premiers points à réviser», a-t-il dit, notant qu’un projet de réforme du code pénal existe «depuis cinq ans».

«Très ému»

Badr Baabou, président de Damj, association qui défend la communauté LGBT depuis 20 ans, s’est dit «très ému de ce moment historique» et a salué «le courage des deux hommes» qui, à cause du procès, «ont perdu leur vie, n’ont plus ni travail ni logement.» A propos du test anal, il a estimé que «la Tunisie fait partie des sept derniers pays au monde à suivre cette pratique moyenâgeuse et rétrograde qui ne respecte pas la dignité humaine.»

Centaines de prisonniers

Selon M. Baabou citant des statistiques officielles, «il y a 150 personnes incarcérées pour homosexualité» et «les chiffres réels sont sans doute plus élevés.» Depuis 2008, «plus de 2600 personnes ont été incarcérées en vertu de l’article 230», selon Damj et le Collectif civil pour les libertés individuelles. Une représentante du Collectif a souligné le coût pour l’État, «plus de 25 millions de dinars» (plus de 7,8 millions de francs) qui pouvaient «être investis dans des hôpitaux et autres infrastructures.»

Malgré la révolution

M. Baabou a dit espérer «un débat dépassionné, juridique et sérieux» pour dépénaliser l’homosexualité, s’étonnant que la Tunisie malgré le «processus révolutionnaire» lancé en 2011 fasse encore «partie des pays qui condamnent explicitement ou implicitement l’homosexualité.» Réputé conservateur, le président Kais Saied qui a suspendu les activités du Parlement jusqu’à des législatives prévues en décembre 2022, s’était opposé pendant la campagne qui a mené à son élection fin 2019 à une dépénalisation de l’homosexualité.

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