RapportQue coûte un immigré à l’Etat? Rien ou presque, répond l’OCDE
Une étude de l’OCDE publiée ce jeudi démontre que la contribution d’un étranger à son pays d’accueil est positive, en prenant même en compte les dépenses militaires et la dette publique.
- par
- Marion Emonot
Combien coûte réellement l’immigration? En faisant le ratio entre les contributions versées par les immigrés et les dépenses publiques de l’État, l’OCDE estime, dans une étude consacrée jeudi à leur «impact budgétaire», que ce coût s’équilibre. Et peut même être positif.
«Dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation», écrit l’organisation de coopération et de développement économiques dans ce rapport qui porte sur ses 25 États membres pour la période 2006-2018.
En France, par exemple, la contribution budgétaire nette des personnes nées à l’étranger est de 1,02% du PIB, donc légèrement excédentaire, contre une moyenne de 1,56% sur l’ensemble des pays.
«Ce qui focalise le débat public, notamment en France, c’est le coût que peut représenter l’immigration en termes de dépenses sociales, de santé, etc. On montre que cette question ne devrait pas nous obséder, car quand on fait le compte, on observe que la contribution est positive jusqu’à la prise en compte des dépenses militaires et de la dette publique», analyse pour l’AFP Jean-Christophe Dumont, chef de la division Migrations de l’OCDE.
Quiproquo
En effet, lorsque le budget de la défense et le remboursement de la dette publique, qui ne concernent pas que les immigrés mais toute la population, sont pris en compte, la contribution devient négative pour la France (-0,85%) comme pour la moyenne des 25 pays étudiés (-0,16).
«L’impact budgétaire des immigrés est faible», résume Ana Damas de Matos, auteure de l’étude, première sur le sujet depuis 2013.
«Si on compte tout ce que l’État dépense sur les migrants, de la santé à l’éclairage public, en passant par la police et les allocations, et ce qu’ils contribuent, on va toujours trouver un écart de contribution budgétaire nette entre -1 et +1% du PIB», explique-t-elle.
Ces données «reflètent l’histoire migratoire de chaque pays», estime l’économiste: «Dans les pays où il y a eu beaucoup d’immigration récente et jeune, on aura une contribution plus positive, comme en Italie ou en Espagne. Et vice-versa. La France, elle, est dans une situation intermédiaire», avec une population immigrée plus vieillissante.
Il y a «un quiproquo entre la situation individuelle des immigrés et l’impact de l’ensemble de leur population», estime Lionel Ragot, professeur d’économie à l’université Paris-Nanterre, qui avait lui-même étudié l’impact budgétaire de l’immigration en France entre 1979 et 2011.
«Individuellement, ils sont plus au chômage, perçoivent plus d’allocations, c’est vrai. C’est le raccourci qui est souvent mis en avant pour dire qu’ils coûtent très cher à la France. Sauf que ce résultat individuel est compensé par une structure d’âge, avec des immigrés qui sont souvent dans la population active et qui donc cotisent beaucoup», abonde-t-il.
Investissement
Dans ses travaux passés pour le Cepii (centre d’études prospectives et d’informations internationales), Lionel Ragot avait lui aussi estimé cet impact migratoire entre -0,5 et +0,5% du PIB, soit «quasi nul».
Aujourd’hui, selon l’OCDE, les dépenses publiques consacrées aux immigrés sont plus faibles que pour le reste de la population dans les domaines tels que les pensions de vieillesse et de réversion, la maladie, l’invalidité, l’éducation, la santé. Elles sont, à l’inverse, plus fortes concernant la famille, le chômage, l’exclusion sociale et le logement.
Dans l’ensemble, les personnes nées à l’étranger contribuent 11% de moins que les «natifs» au budget de l’État.
Une participation «plombée» par une mauvaise intégration sur le marché du travail, avec 56% des immigrés en emploi en France, décrypte Jean-Christophe Dumont.
L’OCDE a donc réalisé une simulation: avec un taux d’emploi similaire au reste de la population, les immigrés pourraient générer 0,2% du PIB supplémentaire pour les comptes publics.
D’ailleurs, le rapport détaille que «les gains les plus importants en matière de contribution budgétaire (...) ont été relevés dans des pays qui ont attiré d’importants flux de migrants de travail, en particulier des migrants hautement qualifiés».
«La contribution est positive, mais ça pourrait être beaucoup plus positif», affirme Jean-Christophe Dumont. «La politique d’intégration, ce n’est pas une dépense, il faut voir ça comme un investissement. Avec un retour sur investissement.»
La ségrégation résidentielle
La concentration d’une population étrangère dans les mêmes quartiers peut s’avérer bénéfique dans un premier temps mais devient, à long terme, un frein à l’intégration pour plusieurs générations, selon une étude de l’OCDE publiée jeudi sur la «ségrégation résidentielle des immigrés».
Ainsi, en France, 11,1% des Africains subsahariens vivaient dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, où résidaient également 7,5% des Nord-Africains, en 2017.
Un «handicap» scolaire
L’OCDE estime que la concentration d’enfants d’immigrés dans certaines écoles génère un «handicap» qui se traduit par un retard cumulé «d’un an de scolarité» dans plusieurs pays dont la France, l’Allemagne ou la Belgique.
Dans son rapport, l’OCDE rappelle que plusieurs pays ont tenté une stratégie de dispersion sur leur territoire des nouveaux arrivants. Sans grand résultat, à ce stade.