Hockey sur glace«Un peu plus de travail et moins de commentaires»
Les dirigeants du Lausanne Hockey Club ont officiellement lancé la saison 2023-2024 devant la presse ce lundi. Le club vaudois a pas mal de choses à se faire pardonner et il le sait très bien.
- par
- Robin Carrel
D’après Wikipédia, «Lord Voldemort» est un sorcier doté de pouvoirs considérables, qui cherche à s’imposer sur le monde des sorciers afin de remodeler celui-ci selon ses idéaux. Il est appelé «le Seigneur des Ténèbres» par ses fidèles, ou encore «Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom» par la population. Au Lausanne Hockey Club, c’est un peu pareil avec Petr Svoboda. Lors de la conférence de presse de lancement de la saison lausannoise, qui débutera le mercredi 13 septembre contre Fribourg Gottéron, le patronyme du Tchèque a été soigneusement évité. On sent une énorme envie de tourner cette lourde page.
Une fois n’est pas coutume, on n’a pas eu droit à l’éternelle rengaine d’«une équipe qui sort de la meilleure préparation physique jamais réalisée». Parce que les dirigeants du LHC avaient une grosse envie de parler du futur, avec un grand «Objectif reconstruction» inscrit sur les écrans à côté des décideurs du club de la Vaudoise aréna. Mais plus que l’avenir à court, moyen ou long termes, c’est quasiment à un exercice de contrition auquel se sont livrés le Président Patrick de Preux, le CEO Chris Wolf et le directeur sportif. La différence avec les années passées? Cette fois, on a envie d’y croire.
Puisque les décideurs vaudois avaient envie (besoin?) de s’exprimer, voici les morceaux choisis d’une conférence de presse à laquelle étaient aussi conviés des abonnés tirés au sort et qui n’ont pas manqué l’occasion de poser aussi quelques questions.
Patrick de Preux, président
«Il était question que je m’en aille. Mais je ne m’en vais pas, finalement. Et pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’actionnaire Gregory Finger est un ami depuis très longtemps et aussi un client. Je l’ai amené au club il y a six ou sept ans, un jour où il aurait peut-être mieux fait de se casser la jambe (rires)… Il a, depuis, démontré sa passion pour le club et il a toujours été là quand on a eu besoin de son aide. Gregory a fait des choses que je n’aurais jamais imaginé le voir faire, notamment la reprise seul de l’actionnariat. Il m’a dit qu’il aimerait que je reste et c’est un grand plaisir de travailler avec lui. C’est un humaniste, il est droit, juste. Il veut reconstruire le LHC.
Personnellement, ça n’a pas toujours été facile. J’ai connu déjà quatre actionnaires et si je devais faire un choix, il se porterait clairement sur Gregory. Il habite ici, paie ses impôts ici et il a le passeport suisse. C’est plus facile que d’être tout le temps au téléphone avec Los Angeles. Je me réjouis beaucoup de la suite. Je pense qu’au niveau ambiance, hiérarchie, travail, ce sera de loin la meilleure saison. Maintenant, l’architecture du club est simple, c’est celle qu’on a voulue quand on s’est séparé du «directeur des opérations hockey». Nous pouvons désormais éviter les interférences, tout le monde se connaît bien et tire la même corde. Ça change la vie, parce qu’il n’y a plus de coups par-derrière. C’était tellement pénible et insupportable, que j’avais pris la décision de m’en aller. Maintenant, on veut vivre une 101e saison digne de notre club!
Ce qui est important à souligner aussi, c’est qu’on a réglé tous nos litiges et ce n’est pas anodin, quand on parlait de la volonté de l’actionnaire d’apaiser les choses autour du club. Même si, à mon avis, on aurait pu être plus dur, tout est désormais réglé. Que ce soit vis-à-vis des anciens coaches, de l’image auprès de la Ligue… C’est important, parce que ça a eu un coût énorme. Et il ne faut pas se leurrer, on a des dettes abyssales (ndlr: il a parlé plus tard d’une somme de 50 millions de francs). L’actionnaire a toujours dit qu’il tiendrait jusqu’à un retour à meilleure fortune. Ça a été nettoyé partout! Une telle dette, ça ne pourrait pas se faire s'il n’y avait pas quelqu’un pour nous aider. Gregory Finger est conscient que ça va perdurer un certain temps. Je ne veux pas parler pour lui, mais son but est de créer une vraie communauté. C’est aussi une question de moyens, c’est vrai, et les siens sont importants. Ce qui lui importe, c’est qu’on réussisse et qu’on créé cette communauté, avec des jeunes, et qu’on développe ce sport.»
Chris Wolf, CEO
«La gouvernance, c’est quelque chose qui a été très difficile ces dernières années et, depuis six mois, le calme est revenu. La confiance aussi. C’est un plaisir de venir travailler chaque matin et ça se lit sur le visage des collaborateurs dans les bureaux et aussi dans le vestiaire. Cette sérénité, qui faisait défaut, est essentielle pour notre reconstruction. Ça marque une nouvelle étape dans un plan qui s’inscrit sur trois ans. Nos stratégies sont claires à court, moyen et long termes. On a dû réduire la capacité administrative qui était la nôtre avec regrets. Il a fallu supprimer certains postes… Mais c’était nécessaire pour aller de l’avant.
Notre métier, c’est le hockey sur glace. La formation aussi, qui est quelque chose qui nous tient à cœur dans notre projet, tout comme aider les femmes qui font ce sport. On respecte désormais les valeurs du club: engagement, humilité et respect, et nous nous les appliquons au quotidien. Quand le calme est de retour dans la maison, la situation est plus favorable et c’est plus facile d’échanger avec les collaborateurs du LHC Group. Dans le même temps, nous devons développer les revenus, dans les domaines de la restauration et de l’événementiel (ndlr: il dira plus tard que le calendrier de la Vaudoise aréna, peu occupée ces derniers temps, commençait à très bien se remplir). L’humilité n’empêche pas l’ambition, mais on parlera peut-être un peu moins avant de faire les choses…
Les liens avec notre communauté ont été mis à mal ces dernières années et il nous tenait à cœur de les renforcer avec tout le monde: partenaires, abonnés, supporters, médias et fournisseurs. On doit faire preuve d’humilité, parce que certains n’en pouvaient plus et ont choisi d’autres voies. Pour nous, il n’y a pas de petits partenaires ou de petits supporters. On a sondé nos suiveurs au mois de mars, après une fin de saison abrupte. Nous avons eu des échanges en direct, pour avoir une vision claire sur les attentes du public et des spectateurs. Dans ce sport, ce n’est pas tout à propos de gagner des matches, on ne peut pas tous les remporter. C’est plus le comportement, l’attitude et les relations des uns avec les autres. Il y avait parfois un décalage entre le travail qu’on faisait, nos pensées et la façon dont c’était perçu en face de nous. Il était donc nécessaire de revenir à plus de dialogue et de transparence.
Nous avons écoulé un peu moins de 4000 abonnements, c’est en dessous de l’année dernière. Ça s’explique par le dernier exercice difficile, que certains ont mal vécu. Beaucoup attendent de voir une réaction pour peut-être revenir et on peut les comprendre. Il y a eu beaucoup de promesses de faites… On aspire à un peu plus de travail et moins de commentaires. Moins fanfaronner alors qu’on n’a encore rien gagné. Nous pouvons gesticuler autant que nous le voulons, il faut que les résultats reviennent. Tout le monde s’accorde à dire que nos infrastructures et nos conditions de travail sont merveilleuses. Mais c’est surtout super pour les VIP, et l’aspect populaire a un peu été négligé. Nous avons procédé à quelques corrections par rapport à ça. On a deux projets: améliorer la convivialité (ndlr: des tables hautes seront notamment installées en haut des tribunes) et retrouver un vrai après-match (ndlr: un «Bar des Lions» sera ouvert jusqu’à minuit dans les coursives de la patinoire, où joueurs et dirigeants se mêleront aux fans). C’est important de se reconnecter avec le public.
John Fust, directeur sportif
«La saison 2022-2023 a été difficile. On a analysé le département sportif à tous les niveaux. Les paramètres de reconstruction de la première équipe sont qu’on veut une identité formée par des valeurs fortes et un devoir de responsabilité de tout le monde. On a introduit des standards pour les joueurs du groupe professionnel, avec des tests sur et hors glace avant la préparation. À deux semaines du début de la saison, l’équipe est motivée et renforcée. Elle est prête à montrer son identité, pour rendre les supporters et les partenaires fiers. Le coaching staff est très satisfait de son été, il a d’ailleurs été renforcé ponctuellement par deux spécialistes avec d’excellents CV. Geoff Ward a bien préparé l’équipe et son système de jeu. Tout l’encadrement a un rôle bien défini et il n’y a plus d’ingérence dans le travail ou le processus de décision.
La composition de l’équipe a changé. On a un excellent duo de gardiens avec des licences suisses et qui sont internationaux. Il y a aussi Kevin Pasche, qui commencera la saison à Martigny. La défense a une excellente profondeur, avec neuf éléments, une saine concurrence et deux renforts suédois. C’était une décision prise que d’évoluer avec deux étrangers en défense au début de saison. Il y a aussi le retour en santé de Fabian Heldner, qui est un bonus. C’est presque une recrue! En attaque, nous avons renforcé la position de centre, avec Antti Suomela et Théo Rochette. Notre analyse a montré qu’on avait ainsi une meilleure vision, plus de poids et de créativité avec le puck. Nous espérons que ce sera la bonne solution et un pas en avant aussi pour notre power-play.
Notre groupe a une grande profondeur et ça pèse sur deux choses… On peut compenser des blessures et des suspensions. Mais est-ce que tout le monde sera content tout au long de la saison? C’est une question à laquelle on doit encore répondre. L’objectif cette année, c’est de voir une progression dans notre jeu. On croit que notre noyau va devenir meilleur avec de la stabilité. L’objectif de la saison, c’est simplement de se qualifier pour les play-off (ndlr: il a parlé d’une place dans les huit premiers).