Football613 jours plus tard, 495 secondes au goût d’avant pour Aldin Turkes
Emmêlé dans une des pires blessures possibles depuis fin 2020, le buteur du Lausanne-Sport a pu rejouer dimanche face à Vaduz (victoire 3-1). Huit minutes de remplissage sportif, mais d’un immense bain d’émotions.
- par
- Florian Vaney Lausanne
Ludovic Magnin a bien pris soin de dissocier ses quatre changements de fin de match. D’abord, un triple remplacement à la 82e, pour mieux isoler le moment qui s’apprête à suivre. Aldin Turkes remet sa chasuble jaune, repart à l’échauffement le temps d’un modique aller-retour de 20 mètres. Son coach le rappelle. Cette fois ça y est. Ça va arriver. Le public de la Tuilière le sent. Un frisson bruyant progresse dans la foule. D’ici quelques secondes, le géant au pied d’argile serait de nouveau pleinement un joueur de foot. Luxe sur lequel il avait fait une croix 613 jours plus tôt.
«Vous finissez par penser que ce moment n’arrivera jamais.» Et pourtant, le buteur se trouve bien là, dans les bras d’un entraîneur avec qui il échange une dernière accolade avant de se retrouver de l’autre côté. Il essuie discrètement une larme, puis une deuxième. La quatrième arbitre n’a même pas encore dressé son panneau que la fête d’Aldin Turkes a déjà commencé. Le vide laissé par deux ans de blessure se remplit. Les ultras scandent son nom, la tribune principale prend soin de se lever, le speaker «tease». «Absent des terrains depuis décembre 2020…»
Chaussures roses et numéro 99
La Tuilière vrombit au moment où il tape dans les mains de Trae Coyle pour prendre sa place. 85e minute. Le numéro 98 qui sort pour le 99. Tirage spécial pour un instant spécial. Ses premiers pas en chaussures roses sur le synthétique des lieux sont acclamés plus forts que chacun des trois buts que le Lausanne-Sport a déjà enfilé durant l’après-midi. Le travail est fait. Devant Aldin Turkes, un bac à sable qu’il peut utiliser à sa guise pour se refamiliariser avec ce goût unique de la compétition, ses sensations à part qu’on lui avait enlevé.
De sa foulée faussement nonchalante, il gagne sans attendre la surface adverse. Gianluca Gaudino doit botter un corner à suivre. Et si? Et s’il marquait là, tout de suite, sur son premier ballon? Le conte de fées commence à s’articuler à la vue de la trajectoire du coup de coin, qui file au deuxième poteau. Le mètre 93 du Zougois va réceptionner! Le coup de tête part. Trop centré pour cette fois. Il faudra repasser. Ce n’est plus un souci: l’avenir a rejoint son camp.
Les ailes de pigeon, c’est encore un peu tôt
L’attaquant n’a pas encore le pouvoir de dynamiser à lui seul un match. Alors il se balade entre les deux défenseurs centraux du FC Vaduz pendant que le jeu ronronne, il s’amuse avec la ligne du hors-jeu, il cherche l’embuscade. Premier ballon au sol: dos au but, il remet intelligemment en retrait. Il le fait une fois, deux fois. Bientôt, ça pourrait être de précieux relais à exploiter. Il tente un contrôle en aile de pigeon. Le ballon file dans des jambes adverses. C’est encore un peu tôt pour ça.
L’instant s’écoule dans une bulle hors du temps. 93e minute. Brighton Labeau laisse échapper un cri de rage après avoir essayé de faire marquer son nouveau compère d’avant-garde sans réussite. Belle preuve de complicité. Pour cette fois, le temps est écoulé. 495 secondes ont passé lorsque résonne le coup de sifflet final. Un grain de sable en comparaison des 613 derniers jours. Une éternité en ce dimanche symbolique.