SoudanLes militaires repoussent violemment les manifestants
Le Soudan vit des heures sombres. Ce lundi, face aux milliers de manifestants qui marchaient sur le palais présidentiel, les soldats ont à nouveau sorti armes lourdes et grenades lacrymogènes.
Le Soudan vit décidément des heures troubles. Les partisans d’un pouvoir civil dans un pays sorti, en 2019, de trois décennies de dictature militaro-islamiste se sont de nouveau mobilisés lundi, bravant les forces de sécurité déployées en masse dans la capitale et qui, pour la première fois, ont sorti leurs armes lourdes.
Au-dessus de leurs véhicules, des armes lourdes et des mitrailleuses à gros calibres étaient visibles, a constaté un journaliste de l’AFP, alors que la répression a déjà fait 64 morts dans les rangs des manifestants, depuis le coup d’État militaire du 25 octobre. Au milieu des grenades lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des tirs de canons à eau, plusieurs manifestants blessés se sont écroulés, certains asphyxiés par le gaz lacrymogène, d’autres saignant après avoir été touchés de plein fouet par les grenades.
Ponts pas bloqués
Les violences à Khartoum se sont concentrées aux abords du palais présidentiel, où siègent aujourd’hui les autorités de transition, désormais aux mains du général Abdel Fattah al-Burhane, l’auteur du putsch. Les forces de l’ordre ont tenté d’empêcher les manifestants de s’en approcher, les poursuivant parfois dans les rues environnantes à coups de grenades lacrymogènes et assourdissantes.
Si les forces de sécurité ont quadrillé Khartoum, pour la première fois, elles n’ont pas bloqué l’ensemble des ponts reliant la capitale soudanaise à ses banlieues, sur l’autre rive du Nil. Dans l’une d’elles, Omdourman, des manifestants ont brûlé des pneus et dressé des barricades pour couper des routes, a rapporté un témoin, Sawssane Salah.
Dans le reste du pays aussi
Depuis que le général Burhane, chef de l’armée, a rebattu les cartes avec son coup de force, le pays ne cesse de s’enfoncer dans la violence. Un général de police a été poignardé à mort lors de récentes manifestations, tandis que les forces de sécurité tirent, parfois à balles réelles, sur les manifestants et vont jusqu’à attaquer des blessés et des médecins dans les hôpitaux, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Et la mobilisation ne se cantonne pas à la capitale dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus grands d’Afrique. Par exemple, à Madani, à 200 kilomètres au sud de Khartoum, «environ 2000 manifestants ont défilé aux cris d ‘«on ne veut que des civils au pouvoir», selon un autre témoin, Imed Mohammed.
Le 25 octobre, le général Burhane a fait arrêter la plupart des civils qui partageaient le pouvoir avec lui et son armée. Ils ont été libérés depuis, mais le pays est toujours sans Parlement depuis la chute, en 2019, du dictateur Omar el-Béchir et sans gouvernement depuis le putsch. Le général Burhane, qui s’est entouré de généraux et de civils sans passé militant, est donc de facto seul aux commandes du pays, l’un des plus pauvres du monde.