Jura bernois: Du pastis fabriqué au pays de la gentiane

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Jura bernoisDu pastis fabriqué au pays de la gentiane

Les frères Gyger renouvellent et rajeunissent le genre dans une distillerie de Souboz, à 874 mètres d’altitude.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Une fratrie relève un beau défi à Souboz (BE), qualifié de «plus beau village du monde» par les trois frères Gyger: rester au village en gagnant sa vie dans une distillerie. L’aventure a commencé pendant les études d’agronomie de Gaëtan «Gagy», qui réalisait alors comment était fabriquée la nourriture. Ce cultivateur a pris le virage de la durabilité. Son premier apéritif à succès, il l’a appelé «Souboziane», en hommage à son village.

Associé à ses frangins Tim et Luca, Gagy, a produit du gin appelé «Fran-Gin» et la vodka «Wood-Ka» quand ce n’est pas de la «Vodk-Eau» sans alcool qui n’est en fait que de l’eau. Les voilà qui s’attaquent maintenant au pastis, comme l’horloger genevois Fred Verne et sa «Roue Libre», un pastis artisanal 100% genevois distillé au boulevard Carl-Vogt, dans le bar de son frère Quentin qui sert aussi de distillerie.

Derrière les Hôtas

Mais Souboz n’est pas Genève: «Notre pastis est le premier fabriqué avec des plantes suisses! Et il est bio!» soulignent les distillateurs de la Gagygnole, située à 874 mètres d’altitude, au lieu-dit Derrière les Hôtas. Les Gyger n’ont pas voulu faire une absinthe anisée, comme dans le Val-de-Travers. Ils ont remplacé l’anis étoilé par la graine de fenouil. Mais à l’instar du chocolat fabriqué avec du cacao cultivé ailleurs, il s’agit d’importer la réglisse, un ingrédient obligatoire pour l’appellation.

«Notre jardin aromatique pousse bien: on devrait bientôt pouvoir utiliser nos propres plantes pour une partie de nos boissons!» se réjouissent les distillateurs bernois. Un premier essai a porté ses fruits avec la coriandre, récoltée en suffisance pour la fabrication du gin.

Chauffés au bois

Cueillir des plantes et creuser des racines, ce sont des gestes transmis par leur père et leur grand-père, au pays de la gentiane. La tradition subsiste dans des ingrédients cultivés dans des champs biologiques, comme aussi dans des alambics en cuivre chauffés au bois. Mais les temps changent: «Le marché des eaux-de-vie de fruits est en perte de vitesse, tandis que le whisky, le gin, la vodka sont à la mode», relève Gaëtan Gyger. La Suze et le Campari de grand-papa sont de retour!

Dans la préparation du moût, il n’y a ni additif, ni filtre, ni alcool industriel. Le temps est donné aux fruits et aux plantes pour fermenter et se clarifier. Une installation solaire a été prévue pour activer le séchoir. Oranges et citrons sont italiens et espagnols, mais ils sont biosourcés, comme le chasselas de Bevaix (NE) et la betterave sucrière d’Aarberg (BE).

Le «Schnapsseral»

Le jeunisme, dans leur production, s’exprime dans le marketing, avec des jeux de mots à deux balles, comme la «Souboziane» à la gentiane, en hommage à leur village, ou le «Fran-Gin». Un regret: «On n’a pas pris en compte le marché suisse allemand…», soupire Gaëtan. Le «Schnapsseral» à 26° a suivi, à l’instigation de deux designers qui ont lancé leur ligne de t-shirts et d’accessoires sous la marque «chasseralo co», fan-club «officiel et non officiel du Chasseral».

Cette liqueur est inspirée des herbes «de la plus belle montagne du monde», mais la cueillette du thym vulgaire, de la menthe douce et de la reine-des-prés étant interdite dans le parc naturel, il est fait appel à un fournisseur vaudois. L’ingrédient principal, c’est l’aiguille de sapin. Elle est égrainée dans la forêt des frères Gyger.

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