FranceUn ex-djihadiste et ses 4 épouses jugés comme «revenants» de Syrie
Comparaissant à Paris, un ancien combattant de l’EI et ses «épouses» risquent 20 ans de prison pour «association de malfaiteurs terroriste».
Un procès inédit s’est ouvert lundi devant la Cour d’assises spéciale de Paris, celui de «revenants» de l’organisation État islamique (EI): un djihadiste français, Kevin G., qui se dit repenti, et ses quatre «épouses» sont jugés pour «association de malfaiteurs terroriste». Il dit s’être installé en Syrie pour pouvoir vivre sa polygamie, mais pour l’accusation il est un combattant djihadiste.
«Oui, je reste profondément croyant mais j’ai rompu avec le djihadisme», a assuré Kevin G., 29 ans, devant la cour. Arrivé en Syrie au début 2013, il a fui le pays avec sa famille en juin 2016. Le prévenu partage le box des accusés avec sa «dernière» épouse, Sahra R., seule femme actuellement détenue dans cette affaire. Âgée de 27 ans, elle est enceinte de huit mois.
«Je suis allé en Syrie pour venir en aide à la population», a affirmé Kevin G., en soulignant qu’il avait d’abord combattu dans les rangs de l’Armée syrienne libre (ASL) avant que son groupe rejoigne l’EI. «Traumatisé» par la mort au combat d’un de ses camarades, il a indiqué n’avoir eu de cesse ensuite de quitter la Syrie avec sa famille qui comptait six enfants, dont quatre dont il est le père.
Conversion à 13 ans
Issu d’une famille déchirée – son père était violent et alcoolique, sa mère est psychologiquement fragile et a effectué plusieurs séjours en psychiatrie – Kevin G. s’est converti seul à l’islam, «via internet et des lectures», à l’âge de 13 ans. À 16 ans, il se marie une première fois avec une Française convertie. Il devient aussi adepte du groupuscule islamiste radical Forsane Alizza qui prône le djihad armé et souhaite instaurer un califat en France.
C’est dans ce groupe qu’il rencontre une autre femme, de douze ans son aînée, Salma O., à qui il propose de rejoindre son foyer. Coralie, avec qui il a eu un enfant, refuse la polygamie. Kevin G., «profondément déprimé» par ce refus, quitte la France avec Salma O. pour la Syrie, via la Tunisie d’où elle est originaire.
Installé dans une zone contrôlée par l’EI, le jeune homme se retrouve assez rapidement à la tête d’un foyer de quatre épouses. Outre Salma O., Kevin G. épouse Parveen L. (née en 1994), puis Sally D. (1990) et enfin Sahra R. (1994), toutes originaires de France et recrutées depuis la Syrie via un compte Facebook.
«Vivre librement sa polygamie»
«La polygamie a une origine dans l’islam mais ce n’est pas compatible avec la République française, les lois l’interdisent», a expliqué Kevin G. lors de l’audience. «Avec mes trois anciennes épouses, nous avons décidé d’un commun accord de nous séparer pour ne pas être en marge de ces lois», a-t-il ajouté. Il reste aujourd’hui légalement marié à Salma. Lui et ses quatre «épouses» encourent 20 ans de réclusion.
Une cinquième femme, Camélia M., est elle jugée pour «financement d’entreprise terroriste» et risque 10 ans d’emprisonnement. Elle est accusée d’avoir cherché à faciliter le départ en Syrie d’une mineure radicalisée qui aurait dû épouser Kevin G. une fois là-bas. S’il est parti en Syrie, «c’est pour pouvoir vivre librement (sa) polygamie», a dit, hors de la salle d’audience, son avocat Vincent Brengarth.
Armes de guerre
Mais alors pourquoi avoir demandé à sa mère, restée en France, de lui envoyer des vêtements et du matériel militaires, s’interroge l’avocat général. «Je voulais être habillé comme les gens là-bas», répond Kevin G. Selon l’accusation, le djihadiste, devenu Abou Ayoub, a été «combattant» au sein de l’EI. De nombreux clichés le montrent en tenue de combat et en possession d’armes de guerre.
Kevin G. était «au cœur d’une mouvance djihadiste combattante particulièrement brutale, du moins au cours des premiers mois de l’année 2014», affirme l’accusation. Il était constamment en possession d’armes de guerre et de ceintures explosives et a formé plusieurs de ses épouses au maniement de ces armes et explosifs, énumère l’accusation.
Mais l’intéressé conteste cette version. Au cours de ses auditions, il a assuré jouer «un jeu de rôle» auprès de l’EI et qu’il songeait à déserter ses rangs dès 2014 mais qu’il était resté sur zone «par résignation». Le procès doit s’achever le 25 mars.